(Ottawa) Le projet de loi de la sénatrice Julie Miville-Dechêne visant à limiter l’accès des jeunes au matériel sexuellement explicite en ligne a été adopté en deuxième lecture, en dépit de l’opposition de la majorité des députés libéraux, incluant l’ensemble du Cabinet.

Les conservateurs, les bloquistes et les néo-démocrates ont unanimement appuyé la mesure législative S-210. Une poignée de libéraux, soit 14 sur un total de 158, se sont rangés derrière.

« Honte ! », a-t-on entendu hurler dans les banquettes de l’opposition au moment où le tour de vote des libéraux est arrivé.

Malgré l’opposition des libéraux, le projet de loi a été adopté par 189 votes pour et 133 contre.

Il sera donc passé au peigne fin par un comité de la Chambre des communes.

Au gouvernement, où l’on planche sur un projet de loi concernant la lutte contre le contenu dommageable en ligne, on signale que la mesure législative sénatoriale est « fondamentalement déficiente ».

Car celle-ci comporte de « sérieux problèmes liés à la vie privée, à la sécurité et à la technologie », a exposé une source gouvernementale qui a requis l’anonymat afin de s’exprimer plus librement.

« Certains voudront utiliser ce débat à des fins politiques », mais on veut « faire les choses correctement pour prévenir les préjudices graves en ligne », particulièrement pour « nos enfants », a ajouté cette source.

Le gouvernement Trudeau promet depuis au moins trois ans de présenter un projet de loi contre la haine en ligne, mais il ne cesse d’en reporter le moment du dépôt.

La sénatrice « très heureuse »

L’opposition des libéraux n’a pas étonné la sénatrice Julie Miville-Dechêne, qui mène ce combat depuis trois ans – avant de devenir S-210, le projet de loi s’appelait S-203, mais il est mort au feuilleton.

« Je m’attendais à ce que beaucoup de libéraux n’appuient pas le projet de loi, car je n’ai jamais eu d’appui clair du gouvernement », explique-t-elle au en entrevue.

« Certains m’ont dit qu’ils appuyaient l’intention, et qu’ils incluraient ce problème de santé publique dans le fameux projet de loi à venir sur les préjudices en ligne », ajoute la sénatrice indépendante.

Mais le plus important, c’est que S-210 ait été adopté, et ce, de manière transpartisane, plaide-t-elle.

« Je suis très heureuse que ça ait passé, et je dois vous dire que ce qui me rend la plus heureuse dans tout ça, c’est que quatre partis ont voté pour », dit l’ancienne présidente du Conseil du statut de la femme.

Elle se réjouit de constater que les arguments entourant la protection des enfants aient eu le dessus sur ceux concernant le « supposé danger aux données personnelles pour les amateurs de pornographie ».

Le projet de loi vise à contraindre les plateformes qui diffusent du contenu sexuellement explicite à se doter de mécanismes de vérification de l’âge, pour éviter que les mineurs y aient accès.

Les organisations qui rendent ce contenu accessible à des enfants s’exposent à des amendes pouvant aller jusqu’à 250 000 $ pour une première infraction, et jusqu’à 500 000 $ en cas de récidive.

« Les vidéos sont de plus en plus hardcore, pour satisfaire les clients… c’est une chose, les adultes, mais les enfants ? », lance la sénatrice Miville-Dechêne.