(Québec) En campagne électorale, François Legault dénonçait la proposition de Québec solidaire de surtaxer les véhicules polluants. Mais avec une nouvelle loi, son gouvernement donnera aux villes le pouvoir d’imposer l’immatriculation des véhicules en fonction de leur consommation d’essence.

Ce nouveau pouvoir s’est concrétisé mardi avec le dépôt d’une série d’amendements au projet de loi sur la fiscalité municipale, qui doit être adopté ce vendredi. Il permettra aux villes d’imposer « une taxe sur l’immatriculation des véhicules de promenade » sur leur territoire.

Le gouvernement Legault disait vouloir donner aux villes ayant des sociétés de transport le pouvoir de taxation déjà conféré à la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) pour financer le transport collectif.

Mais en soirée mardi, les députés des partis de l’opposition ont appris que les villes auraient beaucoup de latitude dans l’application de cette taxe, également conférée aux MRC offrant des services de transport adapté ou de transport collectif.

Le député de Québec solidaire Andrés Fontecilla a demandé à la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, si les villes pourraient « taxer davantage un gros véhicule qui a une consommation d’essence très importante ». Elle a répondu par l’affirmative.

Pas de plafond

Le gouvernement affirme que les villes vont pouvoir « moduler le montant de la taxe selon le type de véhicule et l’impact qu’il a sur la route ».

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le député solidaire Andrés Fontecilla

Je constate qu’en quelque sorte, par une autre voie, presque un an après, on revient à une proposition que ma formation politique a faite qu’on a péjorativement qualifiée de taxe orange.

Andrés Fontecilla, député de Québec solidaire

« On ouvre la possibilité à une majoration d’une taxe selon la cylindrée d’une voiture. On ouvre la porte à une taxation majorée selon la grosseur et la puissance du véhicule. Je suis étonné et agréablement surpris », a lancé M. Fontecilla.

« C’est bien que vous soyez venu ici aujourd’hui », a répondu Mme Laforest.

Actuellement, il n’existe qu’une seule taxe du genre, gérée par la CMM. À partir de 2024, la somme facturée aux automobilistes dans ce regroupement de municipalités sera de 59 $, peu importe la taille du véhicule. La CMM n’avait pas comme lecture qu’elle pouvait moduler les tarifs en fonction du véhicule, mais elle observe les travaux de la commission avec intérêt. La loi ne prévoit pas non plus de plafond pour cette taxe.

« Il n’y a pas de maximum, c’est la ville qui va le déterminer », a poursuivi la ministre Andrée Laforest.

La libérale Virginie Dufour approuve aussi la proposition caquiste. C’est le PLQ qui avait offert le pouvoir de taxation à la CMM en 2016. Mme Dufour n’a pu s’empêcher de dénoncer ce revirement de la Coalition avenir Québec, et a pondu un florilège de citations d’élus caquistes qui ont dénoncé cette mesure à l’époque.

Ce n’est pas aux citoyens de la classe moyenne, déjà surtaxés, de payer la note, d’autant plus que la réalité quotidienne de bon nombre de ces familles ne leur permet pas d’utiliser le transport collectif.

Nathalie Roy, en 2016

Les libéraux sous-traitent encore des hausses de taxes aux municipalités. Ce n’est pas comme si les municipalités avaient plus d’argent au final pour financer le transport en commun. La balance demeure négative.

Mario Laframboise, en 2016

Ce projet de loi est une attaque envers les contribuables de la Montérégie, c’est à peine croyable.

Jean-François Roberge, en 2016

« Hypocrite »

Mme Dufour s’est alors demandé si le caucus caquiste s’était rangé derrière cette mesure. Elle estime que le gouvernement Legault « pellette dans la cour des municipalités l’odieux de taxer toutes sortes de choses » et que pendant ce temps, il offre un « cadeau » de 100 $ sur le permis de conduire – une perte de revenu de 600 millions pour l’État québécois. « Ça aurait dû aller au transport collectif », a soutenu Mme Dufour.

La ministre Andrée Laforest rétorque qu’elle répond aux demandes de l’Union des municipalités du Québec et de la Ville de Québec. « On est en 2023. Il y a eu des discussions avec [la ministre des Transports] Geneviève Guilbault. […] En 2023, les autres villes l’ont demandé. Les villes ont demandé la diversification, comment diversifier leurs revenus. On le permet, voilà », a-t-elle expliqué.

Mais pour le solidaire Etienne Grandmont, c’est un geste « peureux et hypocrite ».

Ils ont critiqué nos propositions en campagne électorale, et ils viennent maintenant donner cette responsabilité aux municipalités. Est-ce qu’on va se mettre à parler des taxes bleues ? Parce que ça ressemble à ça.

Etienne Grandmont, député de Québec solidaire

M. Grandmont estime que le transport collectif devrait être à la charge de l’État québécois, tout comme la gestion et l’entretien du réseau routier.

En 2022, le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTQ) avait reconnu qu’il étudiait la possibilité de taxer les véhicules les plus polluants, mais le gouvernement Legault avait fermé la porte à court terme.

Le porte-parole du premier ministre, Ewan Sauves, avait indiqué à Radio-Canada qu’il ne s’agissait « que de scénarios, regardés par le MTQ à long terme ». « On exclut d’emblée d’augmenter le fardeau fiscal des Québécois. Point final », avait-il dit.

Le cabinet de Mme Laforest a redirigé les questions de La Presse vers le cabinet de la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault. Son directeur des communications, Maxime Roy, souligne que « c’est une demande de longue date des municipalités ». « Elles détermineront elles-mêmes les paramètres de ce poste de revenus supplémentaire et devront, évidemment, justifier leurs choix devant leurs citoyens », a-t-il indiqué.