(Ottawa) Il est entièrement normal que la communauté sikhe s’inquiète face aux allégations figurant dans l’acte d’accusation dévoilé mercredi par la justice américaine, où il est écrit que l’Inde aurait trois cibles dans son viseur au Canada, a indiqué le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc.

« Les documents judiciaires déposés hier [mercredi] par le département de la justice des États-Unis sont bien entendu une source de préoccupation qui est tout à fait compréhensible au sein de la communauté sikhe », a-t-il déclaré jeudi à la Chambre des communes.

Le ministre a voulu se montrer rassurant, en soulignant que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et ses partenaires des forces de l’ordre à travers le pays étaient « en contact étroit » avec la communauté sikhe, qui ressent « un niveau de menace accru ».

On a appris mercredi, grâce au dépôt d’un acte d’accusation détaillé aux États-Unis, que le gouvernement indien aurait ourdi un complot visant à assassiner un militant sikh, Gurpatwant Singh Pannun, sur le sol américain.

Les forces de l’ordre américaines sont parvenues à déjouer la tentative de meurtre.

Un homme, Nikhil Gupta, est accusé dans cette affaire. Il aurait été recruté par New Delhi pour liquider le citoyen canado-américain, mais il a été floué par des sources confidentielles américaines et un agent d’infiltration.

Selon les documents judiciaires, il existe un lien entre ce complot contrecarré et l’exécution d’un leader sikh de citoyenneté canadienne, Hardeep Singh Nijjar, en Colombie-Britannique, le 18 juin dernier. L’acte d’accusation évoque aussi d’autres cibles sikhes potentielles, doit trois au Canada.

Ce passage a évidemment semé l’émoi au sein de cette communauté.

« Cette révélation est déconcertante », a déclaré le président de l’Organisation mondiale des sikhs du Canada, Danish Singh, mercredi.

« Nous savons depuis des décennies que des réseaux de renseignement indiens ciblent les sikhs au Canada. Il est temps que les autorités canadiennes démasquent ces personnes […] Assez, c’est assez », a-t-il ajouté.

L’enquête sur le meurtre de Hardeep Singh Nijjar est toujours en cours.

Le ministre LeBlanc a refusé de commenter l’enquête, mercredi.

« La pire chose que je pourrais faire serait de spéculer ou de commenter les détails d’une enquête policière ou d’opérations des services de renseignement », a-t-il argué en mêlée de presse.

« Contraire à la politique du gouvernement »

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Le premier ministre Justin Trudeau et son homologue indien Narendra Modi lors du sommet du G20 le 9 septembre 2023

Le gouvernement de Narendra Modi a réagi de manière beaucoup moins frondeuse aux accusations déposées du côté des États-Unis qu’aux allégations faites par Justin Trudeau à la Chambre des communes.

Le porte-parole du ministère indien des Affaires extérieures, Arindam Bagchi, a affirmé que cette affaire était « préoccupante », et que les accusations étaient « contraires à la politique du gouvernement », selon Reuters.

Il n’a pas explicitement nié les informations contenues dans l’acte d’accusation.

À titre comparatif, New Delhi avait taxé les allégations du premier ministre canadien d’« absurdes ».

Le Canada a aussi rapatrié une quarantaine de fonctionnaires de ses missions sur le territoire indien puisque le gouvernement Modi avait menacé de leur retirer leur immunité diplomatique.