Le modèle de financement du transport interurbain « ne fonctionne plus », constate l’Union des municipalités du Québec (UMQ), qui réclame une révision au gouvernement Legault. Ce dernier rétorque toutefois que l’avenir de l’industrie passe par les villes et les MRC.

« Le modèle actuel de financement ne fonctionne plus ; nous sommes à la croisée des chemins. Le gouvernement du Québec, en collaboration avec le milieu municipal et les acteurs du transport interrégional, doit revoir le modèle d’affaires québécois », explique à La Presse le maire de Gaspé et président d’office de l’UMQ, Daniel Côté.

Selon lui, « il est impératif que nos régions aient une desserte interrégionale de qualité offrant un nombre suffisant de liaisons par autocar ». « Un réseau efficace est primordial pour stimuler la vitalité économique et désenclaver les régions », note aussi M. Côté.

Il réagissait ainsi à la parution d’un rapport de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), selon lequel le nombre de départs hebdomadaires d’autocars privés « est passé de 6000 à 882 par semaine depuis 1981 », ce qui représente une baisse de 85,3 % des départs en 42 ans. « Seulement dans les six dernières années, le nombre de départs de cette industrie a diminué de 33 % », avance également l’IRIS dans son étude, qui s’en prend au « désengagement » de l’État québécois.

Au cabinet de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, on se dit en évaluation. « Nous poursuivons les discussions avec le milieu municipal et les transporteurs. Cette réflexion doit être liée à celle sur le rôle des MRC dans l’offre de transport régionale », affirme le directeur des communications, Maxime Roy, en martelant aussi que la mobilité interurbaine « est essentielle pour le développement de nos régions ».

Mme Guilbault soutient néanmoins « que les habitudes des Québécois ont changé ces dernières décennies ». « Les déplacements par train, par avion et par covoiturage, par exemple Amigo Express, s’ajoutent à l’offre classique de transport par autocar », fait-elle valoir par l’entremise de son cabinet.

Vers des recommandations

Dès 2021, un mandat de recherche sur le transport interurbain a été donné par le gouvernement à la Chaire de recherche Mobilité de Polytechnique, dirigée par la professeure Catherine Morency. Après une pause forcée durant la pandémie, le groupe réalisera au printemps une première enquête nationale sur les déplacements interurbains, ce qui permettra au gouvernement « de mieux adapter [ses] actions pour la suite ».

Jointe à ce sujet, Mme Morency affirme que son objectif est de formuler des recommandations au gouvernement d’ici la fin de 2024 « sur les corridors à privilégier, le type de service et la gouvernance, voire peut-être aussi le financement ». « On veut aussi inviter le gouvernement à faire des enquêtes annuelles à l’échelle du Québec », dit l’experte.

Selon elle, le véritable problème, « c’est que le Québec a fait trop de segmentation dans le transport collectif ». « On a de l’urbain, du périurbain, du rural. Ça fait qu’entre un trajet Montréal-Sherbrooke versus Longueuil–Saint-Jérôme, même si on parle des mêmes distances, un trajet va être financé parce qu’il est considéré périurbain et l’autre non, puisque c’est du rural », dit Mme Morency.

« Réduire la flotte automobile de 50 %, ça veut aussi dire qu’on permet aux gens de se déplacer de plusieurs façons. Et il faut l’organiser, ça. Sans véritable réseau de transport collectif au Québec, ça ne marchera pas. Et si on fait juste le maintenir, on s’enfonce, puisque la population augmente », ajoute-t-elle.

Pour l’heure, « on n’a pas encore une bonne compréhension de la demande post-COVID », nuance Mme Morency. « On parle de déplacements qui sont faits par un faible pourcentage de la population et de déplacements moins réguliers. Mais on est train de concevoir ce que les gens feraient si on leur offrait d’autres types de services. C’est ça, la clé. »

Ce qu’ils ont dit

L’absence d’un réseau national de transport collectif interurbain est un frein pour l’atteinte de nos objectifs de transfert modal et de réduction de GES, ainsi que pour l’accès de tous au territoire.

Sarah V. Doyon, directrice générale de Trajectoire Québec

L’immobilisme de la CAQ dans ce dossier est symptomatique de son désintéressement total pour le transport collectif. Le transport interrégional doit être considéré comme un service essentiel.

André A. Morin, critique du Parti libéral du Québec en matière de transport

Geneviève Guilbault a beau sortir n’importe quel tableau, ça ne change rien au piètre bilan de la CAQ en transport collectif. En 2023, c’est inacceptable que les gens en région ne puissent se déplacer autrement qu’en auto.

Etienne Grandmont, critique de Québec solidaire en matière de transport

Il faut doter le Québec d’une véritable politique nationale en transport interrégional garantissant la mobilité des citoyens sur l’ensemble du territoire, par autocar, par avion ou par bateau.

Joël Arseneau, critique du Parti québécois en matière de transport