Ottawa a annoncé mardi que le crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique sera augmenté, passant de 25 % à 35 % pour les quatre prochaines années. Dans le milieu, on salue cette mesure qui « apportera un peu d’air », mais seulement pour la presse écrite.

A priori, le salaire admissible au crédit d’impôt passera de 55 000 $ à 85 000 $, ce qui équivaut à un maximum de 29 750 $ par employé. Le coût de cette mesure est estimé à environ 129 millions sur cinq ans, et ce, dès 2024-2025. Le Bloc québécois avait de son côté réclamé un fonds d’urgence de 50 millions pour venir en aide aux médias d’information.

« C’est une bonne nouvelle. Ça va apporter un peu d’air pour les médias qui sont en difficulté, mais il ne faut pas non plus penser que ce sera une panacée. Les médias sont dans une crise tellement importante que ça va prendre plus que ça pour y arriver », a affirmé le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), Éric-Pierre Champagne.

Selon lui, il faut notamment « continuer de réfléchir à d’autres solutions en parallèle », dont en premier lieu « de faire contribuer les géants du web avec la loi C-18 ».

En pleine crise

Tout cela survient alors que le secteur des médias est durement éprouvé par les pertes de revenus publicitaires qui sont siphonnés par les géants du web. Ce phénomène touche tous les médias d’un bout à l’autre du pays. Des pertes d’emploi avaient également été déplorées chez Bell Média au printemps dernier.

Meta, la société mère de Facebook et d’Instagram, empêche depuis août le partage de contenus journalistiques pour les utilisateurs canadiens de ses plateformes, en réaction à C-18, une loi qui vise à forcer les géants du web à conclure des ententes d’indemnisation avec les médias d’information pour le partage de leur contenu.

Google a menacé de faire de même, mais n’est pas passé à l’action pour l’instant, sauf temporairement, au printemps dernier, pour mener des « tests ».

« Notre industrie traverse une crise sans précédent qui affecte directement le financement des salles de nouvelles et, par conséquent, l’accès du public à une information fiable et rigoureuse. Nous saluons l’annonce du gouvernement de bonifier son aide aux médias d’information », a réagi le président de La Presse, Pierre-Elliott Levasseur, peu après l’annonce.

Selon lui, « cette décision, à laquelle s’ajoute la mise en application de la Loi sur les nouvelles en ligne, démontre que le gouvernement reconnaît et valorise le travail essentiel des médias d’information et leur apport à notre démocratie ».

L’écrit seulement

Pour le moment, l’aide du gouvernement fédéral ne touchera toutefois que les salles de rédaction de la presse écrite. Autrement dit, les stations de télé ou de radio ne pourront bénéficier du crédit d’impôt bonifié.

« Ça demeure un problème majeur quand on sait que c’est vraiment la télé qui est le plus grandement affectée par la crise des médias actuellement », a soulevé le professeur agrégé de journalisme à l’École des médias de l’UQAM Patrick White.

L’expert salue néanmoins aussi un « pas dans la bonne direction », mais rappelle que « 2024 va être une année beaucoup plus difficile que 2023 pour les médias ».

Ce qu’on voit aujourd’hui, ça va aider, mais il faudra surtout voir maintenant ce que le gouvernement du Québec prépare de son côté. La balle est dans le camp de Québec.

Patrick White, professeur agrégé de journalisme à l’UQAM

L’annonce du fédéral fait suite à des compressions importantes annoncées récemment chez Groupe TVA, où Pierre Karl Péladeau a annoncé au début de novembre le licenciement de 547 employés, soit près du tiers de l’effectif. L’entreprise Métro Média, qui comprend le journal Métro et 16 hebdomadaires locaux, a aussi confirmé en août la suspension immédiate de ses activités.

Les Coops de l’information procèdent également à des coupes dues à leur restructuration numérique. Quelque 125 personnes, ce qui représente environ le tiers de l’effectif de l’organisation, ont déjà confirmé qu’elles profiteraient du programme de départ volontaire leur ayant été offert.

« On accueille positivement l’annonce d’aujourd’hui », a d’ailleurs noté la directrice générale des Coops de l’information, Geneviève Rossier.

« Les médias sont dans une situation d’insécurité et d’incertitude avec tout ce qui se passe avec les GAFAM. Cette aide-là vient à un bon moment et va probablement faire en sorte que l’impact de nos insécurités actuelles soit mitigé ou diminué. Ça va nous permettre de respirer, de souffler et de voir venir », a-t-elle conclu.