(Québec) Eric Girard veut garder en vie le rêve du retour des Nordiques en trouvant d’autres équipes de la LNH pour jouer des matchs à Québec dans les prochaines années, mais des députés de son propre parti jugent que donner une subvention aux Kings de Los Angeles ne fait pas partie de leurs valeurs.

Ce qu’il faut savoir

  • La subvention de 5 à 7 millions annoncée par le ministre Girard servira à payer les repas, l’hébergement et le déplacement des joueurs de hockey et du personnel des équipes, ainsi que les pertes de revenus des Bruins de Boston et des Panthers de la Floride.
  • Eric Girard veut attirer d’autres équipes de la LNH au Centre Vidéotron avec de l’argent public, cela fait partie de sa stratégie pour favoriser le retour des Nordiques de Québec.
  • Il évalue la probabilité d’un retour d’une équipe de hockey professionnelle dans la capitale nationale à 10 %.

« Moi, je vais répondre au nom de mes citoyens de Lac-Saint-Jean. C’est contre les valeurs des citoyens de Lac-Saint-Jean et je fais partie de Lac-Saint-Jean comme citoyen », a lancé l’autre Éric Girard, député caquiste de Lac-Saint-Jean, à l’entrée du caucus de son parti mardi. Le Beauceron Luc Provençal a également affirmé que cette décision, « c’est contre [ses] valeurs ».

Ils n’ont pas été convaincus par les explications du ministre des Finances, Eric Girard, qui mise sur le retour d’une équipe de la LNH à Québec pour justifier cette aide publique. Mais d’autres l’ont été : Éric Caire a déjà acheté ses billets, et Jean-François Simard, un « petit gars de Québec » qui n’a « pas fait le deuil du départ des Nordiques », salue le travail de M. Girard.

« Si on ne fait rien, on ne fait rien pour la cause », a expliqué M. Girard plus tôt en journée. Il a défendu bec et ongles sa décision de subventionner deux matchs hors concours de la LNH à Québec à l’automne 2024, et souhaite recommencer si les billets se vendent bien. Il tentera toutefois de le faire à moindre coût.

Cette décision est directement liée à son plan pour attirer une nouvelle équipe de la LNH dans la capitale nationale, contrairement à ce qu’il avait affirmé le 14 novembre, lors de l’annonce. C’était implicite, a-t-il expliqué mardi.

Le premier ministre François Legault a dit qu’il est « très conscient » que la décision « ne fait pas l’unanimité » au sein de la population, de même que dans les rangs caquistes.

« Des gouvernements avant moi ont investi 400 millions dans un amphithéâtre et on aimerait bien ça que cet amphithéâtre [ait] sa raison d’être. C’est-à-dire éventuellement avoir des matchs des Nordiques », a plaidé le premier ministre à son arrivée à la période des questions. Sans surprise, il a affronté un tir groupé de l’opposition au Salon bleu.

« Il n’y en a jamais de facile pour un premier ministre », a lâché M. Legault au sortir de la période des questions.

Maigres chances

Et les chances de ramener les Nordiques sont très faibles, de l’aveu même du gouvernement.

« J’ai fait mes calculs. Il y a une chance sur deux qu’il y ait une expansion dans la Ligue nationale dans les prochaines années. Et les villes qu’on entend s’il y a une expansion, c’est Atlanta, Salt Lake City, San Antonio, Houston et Québec. Donc, au moins cinq villes candidates : une chance sur cinq fois 0,5 », a lancé le ministre des Finances.

C’est sans compter la difficulté de trouver un actionnaire privé « qui va être prêt à payer plus de 1 milliard de dollars pour 51 % d’une équipe », a-t-il reconnu.

M. Girard a également expliqué pourquoi il en coûtait autant pour faire produire deux matchs de hockey. Les 5 à 7 millions serviront à payer les déplacements, l’hébergement et les repas des joueurs et du personnel des Kings de Los Angeles, des Bruins de Boston et des Panthers de la Floride. Ils dédommageront également les propriétaires des Bruins et des Panthers pour les revenus perdus pour les deux matchs, qui auraient normalement été joués dans ces deux villes américaines.

Une affirmation qui a fait bondir l’opposition. « Est-ce que le premier ministre pense que c’est aux Québécois de payer le lunch d’Anže Kopitar, qui gagne 10 millions par année ? », a déploré le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon.

Le ministre n’a qu’un seul regret : il aurait aimé payer moins cher, entre 2 et 5 millions. Mais il faisait face à un ultimatum.

J’aurais aimé que ça coûte 2 millions moins cher. […] Il y avait cette offre-là sur la table, et on a essayé de négocier à la baisse, et puis c’était ça ou rien.

Eric Girard, ministre des Finances

Il a également vanté la profondeur de la ligne de centre des Kings, et estime que les spectateurs qui paieront plus d’une centaine de dollars pour assister à un match auront droit à un spectacle de qualité.

Il a également défendu l’usage du Fonds de la région de la Capitale-Nationale (FRCN), qui servira à faire transiter les fonds.

Lisez l’article « Les Kings à Québec : d’où viennent les millions ? Surprise ! »

Ce fonds régional est normalement destiné à soutenir des projets d’entreprises et d’organismes locaux sans but lucratif. Parmi eux, le camp de jour de Portneuf, le club de curling de Charlevoix-Est, la confiturerie Tigidou et la biscuiterie artisanale Chez Léon et Lily, révélait La Presse samedi.

M. Girard affirme qu’il a reçu l’approbation du Conseil du trésor et du Conseil des ministres.

Ce qu’ils ont dit

Les arguments qu’il utilise pour défendre sa décision sont tout simplement pathétiques. Si on avait voulu inventer de toutes pièces un exemple pour illustrer le dérèglement des valeurs de ce gouvernement-là, je pense qu’on n’aurait même pas trouvé un exemple comme ça. C’est un symbole qui est tellement fort, qui est tellement révélateur de la perte de repères complète de François Legault et de son équipe.

Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire de Québec solidaire

Je n’ai pas de boule de cristal des Nordiques, là. Ce que je sais, c’est qu’il n’y a aucun lien de cause à effet entre lancer des fonds publics par la fenêtre pour faire venir les Kings de Los Angeles.

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Il en a rajouté une couche. C’est pathétique comme réponse. Un dollar est un dollar de trop dans cette négociation. On n’a pas besoin de mettre de l’argent public pour une industrie milliardaire.

Enrico Ciccone, député du Parti libéral

Est-ce que le retour des Nordiques est un projet porteur ? Je ne me pose pas la question. Je ne suis pas comme celui qui s’est fait laisser il y a 25 ans et qui espère toujours le retour de son épouse. À un moment donné, dans la vie, tu avances. Maintenant, si vous me demandez l’impact de ce choix-là versus d’autres choix… Faites le calcul, avec 5 millions, je peux donner 100 000 $ de plus par évènement. Ce serait 100 000 $ de plus pour le tournoi pee-wee, 100 000 $ de plus pour le FEQ, 100 000 $ de plus pour le Carnaval… Les retombées sont énormes.

Bruno Marchand, maire de Québec