(Ottawa) Il faut donner le temps à la modernisation de la Loi sur la radiodiffusion et à la mise en œuvre de la Loi sur les nouvelles en ligne d’agir, selon la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge. Elle espère que ces deux lois, mieux connues sous les appellations C-11 et C-18, réussiront à donner un second souffle aux médias étouffés par les géants du web et les plateformes de diffusion numériques.

Ce qu’il faut savoir

Pierre Karl Péladeau a annoncé récemment le licenciement de 547 employés de Groupe TVA, soit près du tiers de l’effectif.

Ces compressions ont mis l’accent sur la difficile compétition du diffuseur avec les géants du web.

Dans l’objectif de « renverser la vapeur », la loi C-11 compte obliger les plateformes numériques à financer des productions d’ici, tandis que C-18 doit forcer les géants du web à conclure des ententes de rémunération avec les médias d’information.

« Je pense qu’il faut donner une chance à la modernisation des lois, mais que, oui, on va devoir continuer de se pencher sur la question de l’avenir des médias tant qu’on ne sera pas rassurés quant à la viabilité et au succès des médias d’information parce que c’est fondamental dans notre démocratie », reconnaît-elle en entrevue.

Pas question toutefois de tenir des états généraux sur leur avenir dans la foulée des compressions à TVA, comme le demande le Bloc québécois. La ministre répond qu’il y aura « des occasions d’avoir des discussions très approfondies » devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) lors de l’élaboration de la réglementation qui accompagnera C-11 et C-18.

Par contre, elle ne ferme pas la porte à la création d’un Fonds d’urgence pour les médias d’information. « Je partage le sentiment d’urgence du Bloc et de tous ceux qui se soucient de ce qui se passe en ce moment dans le paysage médiatique, dit-elle. Il y a eu beaucoup de fermetures, il y a eu des annonces de mises à pied, on le sait que nos salles de nouvelles sont fragilisées.

Donc, je suis à l’écoute de toutes les propositions et les solutions, mais la voie qu’on va choisir, ça va toujours être celle de préserver l’indépendance des médias.

Pascale St-Onge, ministre du Patrimoine canadien

« Renverser la vapeur »

Les récentes compressions chez TVA ont mis en lumière la difficile compétition du diffuseur avec les géants du web, tant pour la production d’émissions de divertissement que celle de bulletins de nouvelles. Le président et chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, a annoncé récemment le licenciement de 547 employés de TVA pour sauver le réseau de télévision. Il met fin à la production interne des émissions de divertissement et procède à des coupes dans les stations de nouvelles régionales.

Les négociations se poursuivent avec Google en prévision de l’entrée en vigueur de C-18 sur les nouvelles en ligne le 19 décembre. Le géant du web menace de bloquer les articles d’actualité pour se soustraire à la loi comme l’a déjà fait Meta. Il éviterait ainsi de conclure des ententes de rémunération avec les médias d’information en échange de leur contenu. La ministre St-Onge demeure optimiste de pouvoir « répondre aux préoccupations » qui ont été soulevées avec la réglementation finale.

Elle rappelle que l’objectif de C-18 est de « renverser la vapeur » afin que les salles de nouvelles retrouvent leur viabilité financière tout en préservant leur indépendance et « avoir le moins d’intervention gouvernementale possible ». C’est la raison pour laquelle le gouvernement a choisi de « créer une relation commerciale qui est plus équitable » par l’entremise de cette législation.

« Là-dessus, je dirais que le public a un rôle à jouer aussi, souligne-t-elle. Ce n’est pas vrai que le contenu est gratuit même si c’est l’impression qu’on a grâce aux plateformes numériques. »

Au tour de Netflix

La loi C-11, qui a modifié la Loi sur la radiodiffusion, franchira aussi une nouvelle étape bientôt. Elle oblige les plateformes numériques comme Netflix à investir dans du contenu canadien et québécois. Les instructions au CRTC seront rendues publiques ce mardi en prévision du début des consultations, et la ministre St-Onge marquera le coup en conférence de presse à Montréal.

Le CRTC devra imposer des exigences financières à ces plateformes pour qu’elles soutiennent la programmation d’ici, fassent appel à nos ressources créatives et promeuvent les séries produites au Québec et au Canada.

Ce qu’on a fait, c’est de leur donner de la flexibilité pour que les plateformes puissent évaluer, en fonction de leur modèle d’affaires et de la réalité de chacune, c’est quoi la meilleure façon pour elles de contribuer au contenu canadien et à son rayonnement aussi.

Pascale St-Onge, ministre du Patrimoine canadien

L’élaboration des règlements s’échelonnera sur plusieurs mois. La ministre estime qu’une entrée en vigueur de la loi plus tôt « aurait pu vraiment tout changer » pour un diffuseur comme TVA. « On voit que les gens, de plus en plus, se désabonnent du câble, constate-t-elle. De plus en plus, les consommateurs trouvent ce qu’ils cherchent en ligne plutôt qu’à la télévision et à la radio. Donc, c’est sûr qu’avec le cadre réglementaire qui n’est pas adapté à cette modernité-là – on l’a vu avec les coupes à TVA –, nos radiodiffuseurs demandent qu’il y ait ce sentiment d’urgence là dans la transformation. »

Elle déplore « l’obstruction constante des conservateurs » dans ce dossier depuis le début des premières consultations en 2016. Ceux-ci ont crié à la censure et ont promis d’abroger la législation s’ils forment le prochain gouvernement.