(Ottawa) Le gouvernement fédéral n’accordera aucune autre exemption à la taxe sur le carbone comme l’exigent l’Alberta et la Saskatchewan. Le premier ministre Trudeau a continué à défendre la suspension de cette taxe pour les livraisons de mazout mardi alors que les conservateurs en font l’enjeu de la prochaine élection.

« Il n’y aura absolument aucune autre exemption ou suspension du prix de la pollution, a affirmé le premier ministre avant la période des questions. L’objectif est d’éliminer progressivement le mazout domestique de la même manière que nous avons pris la décision d’éliminer progressivement le charbon. »

Les conservateurs et les néo-démocrates accusent le gouvernement de diviser les Canadiens en donnant une exemption de la taxe sur le carbone qui favorise les résidants des quatre provinces de l’Atlantique où près du tiers de la population se chauffe au mazout l’hiver.

« Pourquoi le premier ministre ne suspend pas la taxe partout au pays jusqu’à ce que les Canadiens aillent voter […] et les Canadiens pourront choisir son plan pour quadrupler la taxe ou mon plan pour la couper », a demandé le chef de l’Opposition officielle, Pierre Poilievre, en chambre.

« Je n’en reviens pas qu’après avoir perdu trois élections, les conservateurs en veulent une autre pour continuer de nier les changements climatiques, a rétorqué M. Trudeau. Après l’été que nous avons eu, ils continuent de dire qu’aucun plan pour lutter contre les changements climatiques, c’est ce qui est bon pour les Canadiens. »

Il a annoncé jeudi la suspension temporaire de la taxe carbone pour la livraison de mazout jusqu’à la fin de 2026-2027 et la bonification de 50 % de la subvention pour remplacer ce combustible par une thermopompe. Le gouvernement offrira également 250 $ aux personnes à faible revenu pour les encourager à acheter une thermopompe.

Ces politiques s’appliquent à l’ensemble du pays, mais vont bénéficier davantage aux résidants des provinces de l’Atlantique où près de 30 % des ménages se chauffent au mazout. C’est 8 % dans le reste du pays, selon le ministère des Finances.

Ces deux poids, deux mesures ont choqué dans les provinces de l’Ouest canadien, particulièrement en Alberta et en Saskatchewan où les gouvernements sont déjà opposés à la taxe sur le carbone. Le premier ministre saskatchewanais, Scott Moe, menace de ne plus percevoir la taxe carbone sur le gaz naturel si une exemption similaire n’est pas accordée pour ce combustible.

Le fait que la ministre du Développement économique rural, Gudie Hutchings, qui est de Terre-Neuve-et-Labrador, ait dit en entrevue à CTV dimanche que les Prairies « devraient élire plus de libéraux » est venu alimenter ces tensions.

Le mazout est un combustible différent des autres, s’est défendu le premier ministre. « C’est plus cher, c’est plus émetteur et ça affecte disproportionnellement des résidences à revenu modeste. Donc, de remplacer avec des thermopompes à travers le pays, c’est la façon de réduire les émissions. »

D’autres ministres ont claironné le même message à leur sortie de la réunion du Cabinet, dont Daniel Vandal du Manitoba qui avait indiqué qu’il y aurait « de bonnes discussions » à son entrée.

« C’est une politique qui est bonne partout au Canada. C’est bon au Manitoba, c’est bon en Ontario et c’est bon dans le Nord », a-t-il affirmé par la suite.

« C’est purement un enjeu d’abordabilité. L’abordabilité qui va mener à une réduction des émissions », a fait valoir le ministre Seamus O’Regan, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Plus tôt dans la journée, d’autres ministres avaient défendu ce recul de la taxe carbone. « Je ne dis pas que la prise de décision était idéale, mais je pense qu’elle était importante », a reconnu le ministre Marc Miller.

« Vous savez, un plan, ça doit être souple et flexible », a affirmé pour sa part la ministre Diane Lebouthillier.

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Diane Lebouthillier

Le ministre Randy Boissonnault, de l’Alberta, a rappelé que le gouvernement va également doubler le supplément pour les communautés rurales de 10 % à 20 % dès avril 2024. Ce supplément est versé aux contribuables dans les provinces qui, contrairement au Québec, n’ont pas leur propre système de tarification du carbone.

« Les Albertains, les Saskatchewanais et les Manitobains en situation rurale vont recevoir maintenant 2000 $ par année, a-t-il souligné. Et ce qu’on fait, c’est qu’on a une approche nationale qui prend en considération des réalités régionales. »

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Randy Boissonnault

Le chef du Nouveau Parti démocratique estime que le gouvernement fait fausse route. « Nous avons un premier ministre déconnecté qui veut seulement aider les régions où il est en perte de popularité », a souligné Jagmeet Singh lors de la période des questions. Les néo-démocrates estiment que le gouvernement aurait plutôt dû lever la taxe sur les produits et services (TPS) sur le chauffage domestique, ce qui aurait aidé toute la population à faire face à la hausse du coût de la vie.