(Québec) La nouvelle offre du gouvernement Legault aux employés de l’État est « dérisoire » et « insultante », répliquent les syndicats, qui gardent le cap sur les journées de grève annoncées pour la semaine prochaine.

Le gouvernement Legault met sur la table des augmentations de salaire de 10,3 % en cinq ans pour les 600 000 employés de l’État, en plus de bonifications représentant 3 % pour certaines catégories de travailleurs et un montant forfaitaire pour tous de 1000 $ la première année.

Québec dit ainsi que sa proposition globale passe de 13 % à 14,8 % en cinq ans par rapport à sa première offre.

La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, fait valoir que le gouvernement ajoute 1 milliard de dollars récurrents par année en augmentations salariales pour tous. « C’est beaucoup d’argent qu’on met sur la table pour démontrer notre sérieux à vouloir négocier », a-t-elle affirmé après le dépôt de sa nouvelle offre, dimanche matin.

Sa proposition initiale, déposée en décembre 2022, prévoyait des hausses salariales de 9 % en cinq ans, des bonifications représentant 2,5 % pour certaines catégories de travailleurs et le versement d’un montant forfaitaire de 1000 $ la première année (ce qui représente un coût équivalant à 1,5 % de la masse salariale).

Avec la nouvelle offre, les augmentations récurrentes pour tous les employés grimpent donc de 9 % à 10,3 %. L’ajout de 1,3 % s’appliquerait dès la première année, a précisé Sonia LeBel en entrevue.

La part réservée aux « offres différenciées », pour certaines catégories de travailleurs, passe de 2,5 % à 3 %. Elle servirait entre autres à embaucher des aides à la classe, à bonifier la rémunération des travailleurs gagnant moins de 52 000 $ et à ajouter des primes pour pourvoir les quarts de travail défavorables dans le secteur de la santé.

Le montant forfaitaire pour tous demeure le même.

La nouvelle offre est « dérisoire » et « insultante », a lancé la présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Magali Picard. « On avait de l’espoir », mais le gouvernement « continue ce même régime, ce même ton d’arrogance et d’insulte » envers ses employés.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

La présidente de la FTQ, Magali Picard, en conférence de presse dimanche matin, entourée du président de l’APTS, Robert Comeau, du premier vice-président de la CSN, François Enault, et du président de la CSQ, Éric Gingras

Le vice-président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), François Enault, a rappelé que les policiers de la Sûreté du Québec ont rejeté une entente de principe comprenant des hausses de 21 % en cinq ans et que les députés se sont voté une augmentation de 30 %.

Le front commun syndical – qui regroupe la CSN, la FTQ, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) – réclame des augmentations salariales récurrentes représentant environ 20 % en trois ans. Sa demande a été présentée il y a un an.

DEMANDES DU FRONT COMMUN*

Indice des prix à la consommation (IPC) + 2 % d’augmentation pour 2023

IPC + 3 % pour 2024

IPC + 4 % pour 2025

*Les demandes syndicales représentent des hausses salariales totales d’environ 21 % si l’on tient compte de l’IPC enregistré en 2022 et des prévisions inscrites dans le budget du gouvernement Legault pour 2023 et 2024.

Pour Sonia LeBel, c’est au tour des syndicats de faire un bout de chemin et de revoir leurs demandes.

Ce n’est pas dans les plans du front commun. « Avant de commencer à bouger sur nos propres offres, on va attendre qu’il y ait du mouvement » du côté patronal, a affirmé François Enault, ajoutant que le gouvernement ne réunissait pas les conditions pour régler les négociations avant les Fêtes comme il dit le souhaiter.

Grèves en vue

Le front commun a annoncé la semaine dernière que ses 420 000 membres seront en grève le 6 novembre. Le plan de match est maintenu.

Le mandat adopté par le front commun prévoit le recours ultime à la grève générale illimitée. La menace plane.

Avec une annonce comme celle qui a été faite [dimanche] matin, le niveau de frustration ne fera qu’augmenter.

Magali Picard, présidente de la FTQ

Les 80 000 infirmières et autres travailleurs de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) vont débrayer les 8 et 9 novembre. « Deux sentiments nous habitent actuellement : déception et colère », a résumé son vice-président, Jérôme Rousseau, après avoir pris connaissance de la nouvelle offre.

Tout aussi mécontente, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) devrait fixer bientôt la date à laquelle ses 65 000 enseignants seront en grève.

Dans le secteur de la santé, comme les hôpitaux et les CHSLD, les syndicats sont tenus d’assurer le maintien des services essentiels, ce qui n’est pas le cas dans les écoles.

Par ailleurs, Sonia LeBel prolonge une partie seulement des primes qui devaient prendre fin le 31 mars dernier, à l’expiration des conventions collectives. Ces primes, qui totalisent environ 600 millions de dollars par année, sont surtout destinées à des travailleurs de la santé. La partie des primes qui est maintenue jusqu’à la signature d’une entente représente environ 100 des 600 millions en cause et vise à favoriser la rétention du personnel dans certains secteurs (psychologues, travailleurs de la Direction de la protection de la jeunesse [DPJ], ouvriers spécialisés, par exemple). Or, les primes nées durant l’urgence sanitaire, communément appelées primes COVID, prendront fin. « Ce ne sont pas des primes qui étaient là pour demeurer », a soutenu Sonia LeBel.

La FIQ a condamné la décision de Québec. « L’ensemble des infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes vont se voir couper 3,5 % de salaire dans les prochains jours », a dénoncé Jérôme Rousseau.

Un seul élément de la nouvelle offre a trouvé grâce aux yeux des syndicats : Québec a renoncé à l’un des deux « reculs majeurs » qu’il voulait imposer au régime de retraite.

« Une attaque frontale contre la classe moyenne », selon QS

Le co-porte-parole de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois, estime que le gouvernement Legault appauvrit les employés de l’État du secteur public. De passage à Trois-Rivières pour un débat dans le cadre de la course aux postes de porte-parole féminine et à la présidence de QS, M. Nadeau-Dubois a vigoureusement critiqué l’offre. « C’est inadmissible. C’est inacceptable. C’est une attaque frontale contre la classe moyenne, a-t-il affirmé. Les infirmières, les profs, les concierges, le monde qui travaille dans nos institutions publiques, c’est ces gens-là, la classe moyenne. » En marge du Conseil national du Parti québécois à Saint-Hyacinthe, le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon n’a pas voulu s’étaler sur la question, indiquant qu’il préférait laisser la parole aux travailleurs. « À l’oreille, ça ne sonne pas comme une offre, une bonification, qui passera à l’histoire. Mais je ne pense pas que c’est à moi, c’est vraiment aux travailleurs de s’exprimer dans un premier temps », a-t-il dit.

La Presse Canadienne