La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, appelle les sociétés de transport à se serrer la ceinture en attendant une prochaine aide financière. Québec calcule que le déficit cumulé de l’industrie devrait atteindre 2,5 milliards de dollars sur les cinq prochaines années.

« Quand on chiffre le total des déficits anticipés cumulés sur les cinq prochaines années pour nos dix grandes sociétés de transport, on se retrouve avec un manque à gagner de 2,5 milliards de dollars. C’est beaucoup d’argent », a lancé d’emblée la ministre lors d’une allocution tenu jeudi au colloque annuel de l’Association du transport urbain du Québec (ATUQ).

Le calcul que fait ainsi Mme Guilbault est plus optimiste que celui de l’ATUQ, qui calculait l’an dernier un déficit cumulé de 3,7 milliards d’ici 2027, avec un manque à gagner de 560 millions en 2023, 650 millions en 2024, 800 millions en 2025, 860 millions en 2026 et 900 millions en 2027.

Au cabinet de la ministre, on fait valoir que le chiffre du gouvernement tient compte de la taxe sur l’immatriculation qui a été élargie en avril à tout le Grand Montréal, mais aussi des revenus qu’engendrera l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) avec le REM, notamment.

N’empêche, dit l’élue, le contexte impose d’être « réaliste » et de « trouver des façons de résorber le déficit plutôt que de le creuser », au moment où l’achalandage revient progressivement à ses niveaux prépandémiques un peu partout au Québec.

Depuis plusieurs mois déjà, la ministre avait prévenu de son intention de « rationaliser » les dépenses, en s’engageant toutefois à un plan de financement quinquennal et récurrent pour l’industrie. En coulisses, on indique que des négociations doivent encore avoir lieu avec le ministère des Finances pour dégager les sommes disponibles. Un scénario en deux temps, avec une nouvelle aide d’urgence suivie d’un plan sur cinq ans à proprement parler, est donc pour l’instant envisagé.

« On veut surtout des économies »

Pendant son discours, qui était attendu de pied ferme par les sociétés de transport qui peinent toujours à se relever de la pandémie, Mme Guilbault a réitéré qu’elle serait « la première à pousser pour une offre de services accrue ». « Différents scénarios sont sur la table. Je ferai connaître mes intentions et conclusions dans les prochains mois », a-t-elle dit prudemment.

Soutenant avoir entendu le message des 24 maires et mairesses du Grand Montréal qui lui demandent une augmentation minimale annuelle de 7 % de l’offre de services, la ministre a néanmoins réitéré que « pour augmenter cette offre, […] il faut d’abord avoir la capacité de payer ».

Rappelons que dans sa mouture 2018-2023 de la Politique de mobilité durable, le gouvernement avait chiffré à 5 % la cible d’augmentation annuelle du niveau de service à travers le Québec. Cet objectif a toutefois été mis à mal par la COVID-19. C’est cette cible que les maires demandent maintenant de rehausser à 7 %.

« On ne veut pas juste des aides conjoncturelles, on veut surtout des économies et solutions structurelles et pérennes », leur a rétorqué Mme Guilbault, en insistant sur l’importance de procéder « dans le respect des limites de tout un chacun » pour arriver à « une vision pérenne du financement des sociétés de transport ».

Une « culture à changer »

Au minimum, a ajouté la ministre, l’industrie devra être en mesure « de calculer son coût pour avoir une offre et un dollar investi efficients ». « Une heure de service en banlieue n’a pas le même coût qu’à Montréal. Le train versus le bus, ce n’est pas la même dépense non plus », a-t-elle illustré.

À ses yeux, « il y a toute une culture à changer » dans la manière dont les fonds sont gérés en transports en commun. « C’est un projet colossal, mais réalisable, dans la mesure où nous nous serrons les coudes. Je sais que vous y croyez. Et j’y crois aussi », a-t-elle lancé au parterre de transporteurs.

L’entourage de Mme Guilbault, qui a achevé cet automne une tournée de consultations auprès des acteurs du transport collectif, affirme qu’environ 18 % du déficit cumulé de 2,5 milliards, ce qui représente près de 450 millions, est de nature conjoncturelle, c’est-à-dire qu’il découle de la perte de revenus tarifaires.

Quant à la partie structurelle du déficit, soit environ 2 milliards, elle serait principalement attribuable à la hausse des dépenses d’exploitation comme l’entretien, les contrats de service ou les salaires. Ces derniers représentent environ 70 % des dépenses d’exploitation des transporteurs.

« En vous présentant ces chiffres qu’on a colligés durant l’été à la suite de nos consultations, mon seul objectif est de mettre en exergue l’ampleur du défi qui se dresse devant nous », a conclu la caquiste.

Le point sur l’achalandage

Au Canada, l’achalandage moyen était de 75 % dans les transports en commun en date de juillet dernier. C’est dans ces eaux que la plupart des sociétés québécoises se trouvent, même si certaines font meilleure figure. Les revenus des sociétés de transport canadiennes se portent toutefois un peu mieux : en moyenne, elles ont récupéré 83 % des recettes par rapport au niveau prépandémique.