(Québec) L’opposition à l’Assemblée nationale déplore le refus par le gouvernement caquiste de doter le Québec d’un plan national de lutte contre les drogues du viol.

Jeudi, les membres de la Commission de la santé et des services sociaux se sont réunis pour statuer sur la possibilité d’étudier une pétition réclamant un tel plan.

La Coalition avenir Québec (CAQ) a utilisé sa majorité pour bloquer l’initiative, expliquant avoir déjà annoncé 11 mesures en juin dernier concernant les drogues du viol.

« Ce n’est pas assez, a réagi en entrevue la marraine de la pétition, la libérale Jennifer Maccarone. Moi, j’ai cinq universités dans ma circonscription. Personne n’est au courant [des mesures de la CAQ]. »

Le 21 juin, le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, annonçait pourtant s’attaquer au « fléau » du GHB et aux « lâches » qui en mettent dans les verres des personnes – principalement des femmes – à leur insu.

Il a lancé une campagne de publicité sur les réseaux sociaux pour rappeler qu’il est criminel d’agir de la sorte. Elle visait principalement les hommes de 18 à 35 ans.

Le ministre proposait aussi de mieux accompagner les personnes croyant avoir été droguées, et d’outiller les corps policiers pour la prise en charge des personnes intoxiquées au GHB ou autres drogues.

Il souhaitait discuter avec le fédéral pour mettre en place un mécanisme d’homologation des tests rapides auto-administrés pour dépister le GHB afin de s’assurer de leur efficacité.

Le gouvernement caquiste a par ailleurs lancé le projet pilote « Check ton verre » en distribuant 10 000 couvercles qui protègent les verres dans des bars de Montréal.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Le gouvernement caquiste a lancé le projet pilote « Check ton verre » en distribuant 10 000 couvercles qui protègent les verres dans des bars de Montréal.

« Grande déception »

La pétition marrainée par Mme Maccarone réclame toutefois un plan national de lutte contre les drogues du viol, qui instaurerait « des activités éducatives dans les établissements secondaires et postsecondaires ».

Il viserait également à distribuer gratuitement des tests de dépistage des drogues du viol dans les cégeps, les universités, les bars, les boîtes de nuit et les festivals extérieurs.

En outre, il garantirait la disponibilité des tests de dépistage des drogues du viol dans le sang et l’urine dans les établissements de santé.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Jennifer Maccarone, députée libérale de Westmount–Saint-Louis.

« C’est une occasion manquée, et c’est un manque de compréhension de ce qui se passe sur le terrain aujourd’hui », a pesté Mme Maccarone, affirmant vivre une « grande déception ».

« Moi, je connais personnellement des victimes. Personne ne sait ce qui se passe au niveau gouvernemental. C’est bien beau d’avoir une page sur un site web, mais ce n’est pas actualisé sur le terrain », a-t-elle renchéri.

L’élue libérale déplore par ailleurs que le gouvernement travaille « derrière des portes closes » au lieu de consulter le public sur cet enjeu.

« C’est décevant que la CAQ ait refusé l’idée de mettre en place un plan national de lutte contre les drogues du viol », a également réagi la députée Ruba Ghazal, de Québec solidaire.

« Il faut cesser d’agir à la pièce et s’attaquer frontalement à ce fléau. Un plan national aurait été un moyen efficace de s’assurer qu’on mette en place toutes les mesures pertinentes pour éradiquer le problème. »

Le député péquiste Joël Arseneau parle également d’une décision « déplorable ». « La CAQ fait valoir que son approche de sensibilisation suffit. Nous ne somme pas de cet avis », affirme-t-il.

« Les enjeux de prévention, de collecte de données du dépistage demeurent entiers. Un plan de lutte national permettrait de démontrer que le gouvernement prend cet enjeu au sérieux », a-t-il ajouté.

Doutes sur l’autodépistage

Dans une déclaration écrite, Isabelle Poulet, l’une des députées caquistes siégeant à la Commission de la santé, a dit comprendre que les gens se sentent interpellés « comme parlementaires, mais aussi comme parents ».

« On doit agir et c’est ce qu’on fait, affirme-t-elle. Concrètement, tous les points de la pétition ont déjà été répondus dans notre plan, sauf l’autotest, puisque ce n’est pas une solution adéquate.

« En ce moment, il n’existe aucun autotest homologué au Canada pour dépister les drogues du viol.

« Les partenaires terrain, c’est-à-dire les corps de police, les organismes qui viennent en aide aux victimes, ainsi que les experts en toxicologie, jugent que l’utilisation d’un test dont la fiabilité n’est pas démontrée abaisse la garde des usagères et pose un risque pour leur santé », a-t-elle justifié.