(Québec) Pierre Fitzgibbon persiste et signe : pour que le Québec soit carboneutre d’ici 2050, il faut réduire le parc automobile de façon importante. Mais « il faut quand même être réaliste », tempère François Legault, selon qui « la densité de population ne nous permet pas d’avoir du transport collectif » à l’échelle de la province.

Lundi, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie a lancé un pavé dans la mare en disant qu’il fallait réduire de moitié le nombre de véhicules au Québec. Deux jours plus tard, loin de revenir sur ses propos, il a plutôt voulu en démontrer le bien-fondé.

« Ça me fait rire quand les gens s’offusquent de ça ! », a-t-il lancé à La Presse à son arrivée à la réunion du Conseil des ministres, mercredi.

Selon M. Fitzgibbon, les Québécois doivent prendre conscience qu’ils devront changer leurs habitudes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et atteindre la carboneutralité d’ici 2050.

« Il faut être cohérent : si jamais on veut être carboneutre en 2050, il n’y aura pas cinq millions de voitures au Québec », a-t-il plaidé. Le nombre de véhicules de promenade (automobiles et camions légers) en circulation dans la province a augmenté de moitié depuis 20 ans. En 2000, on comptait un peu moins de 3,6 millions de voitures et de camions au Québec, contre un peu plus de 5,2 millions en 2021.

Legault ne veut pas de mesures coercitives

Le gouvernement mise sur le développement du transport collectif pour réduire le parc automobile. Il n’a pas l’intention d’utiliser le « bâton », par exemple une surtaxe qui aurait pour effet d’inciter les familles à abandonner leur deuxième voiture. « Mais il faut être cohérent. On ne peut pas avoir un discours [disant] qu’on va être carboneutre en 2050 et continuer de faire ce que l’on fait là », a affirmé Pierre Fitzgibbon.

Quelques minutes plus tard, dans une première mêlée de presse à Québec en ce retour de pause estivale, le premier ministre François Legault a souligné à grands traits que de nouvelles mesures fiscales visant à décourager l’utilisation ou l’achat d’automobiles n’étaient pas dans ses cartons.

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François Legault

« Quand on regarde les rapports internationaux sur le nombre d’automobiles qu’on doit réduire, il faut comprendre que le Québec, c’est grand, et que dans les régions du Québec, la densité de population ne nous permet pas d’avoir partout du transport collectif. Il faut quand même être réaliste », a-t-il dit. Son ministre s’était dit conscient que la réalité était en effet différente dans les régions éloignées, mais avait estimé que cela ne remettait pas en cause le bien-fondé de sa sortie.

Selon M. Legault, Pierre Fitzgibbon a lu « beaucoup de rapports sur les environnementalistes cet été », ce qui expliquerait ses propos sur la question.

« Il y a des environnementalistes qui proposent de réduire de moitié le nombre d’automobiles. Nous, notre approche, c’est vraiment de dire qu’il faut aller vers l’auto électrique. […] Je pense que ce qui est surtout important, c’est de rendre disponibles les autos électriques, [et] dans les grandes villes, de s’assurer qu’il y ait plus de transport en commun », a dit M. Legault.

« Si on met du transport en commun dans les grandes villes, c’est pour éventuellement réduire le nombre d’automobiles, mais on ne s’est pas fixé de cible comme telle », a-t-il ajouté.

Quel est le rôle de l’État ?

Selon M. Fitzggibon, c’est un leurre de penser que l’électrification du parc automobile va régler la question environnementale. Les véhicules électriques sont responsables d’émissions de GES dans le cadre de leur processus de fabrication, « beaucoup moins que les véhicules à essence, mais quand même ». « Et être carboneutre, c’est majeur. Ça veut dire zéro GES. Il faut que les gens commencent à réfléchir, et on ne peut pas juste dire : “On va continuer comme c’est là, on va changer notre véhicule [à essence] pour un véhicule électrique et tout va être beau.” »

« Quand je vais quitter la politique, je vais acheter le nombre de voitures que je veux. Ce n’est pas le gouvernement qui va me dire quoi faire. Mais si je suis cohérent et si je veux aider la planète, je vais peut-être être plus parcimonieux sur ce que je fais », a-t-il dit mercredi.

Le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie insiste : « À un moment donné, il faut que les gens commencent à être capables de métaboliser ce que ça veut dire, être carboneutre. »

« Je fais des farces, mais à un moment donné, les gens vont être obligés d’aller en bicycle en Floride, a-t-il ajouté. C’est ridicule, mais pas si ridicule que ça. Les avions, est-ce qu’ils vont être électriques ? Probablement pas. […] Peut-être qu’on va commencer à voyager un peu moins en avion. Peut-être qu’on va commencer à manger plus de végétaux que de protéines animales. »

Bref, pour atteindre la carboneutralité, « il faut que le comportement des gens change ». Ils doivent aussi « consommer moins et mieux » l’électricité. Et il faut développer les technologies pour capter et séquestrer le carbone.

« Si on ne fait pas ces trois affaires-là, on n’y arrivera pas », a soutenu M. Fitzgibbon.

Avec la collaboration de Pierre-André Normandin, La Presse