Le poste est vacant depuis près de six mois, fulmine l’opposition

(Ottawa) Le poste de commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique est vacant depuis février à Ottawa. Et sans commissaire, il ne peut y avoir d’enquête en matière d’éthique sur le gouvernement Trudeau et ses ministres. Une situation inacceptable, dénoncent les partis de l’opposition.

Le poste de commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique est vacant depuis le départ de Mario Dion, le 21 février. Ce dernier a quitté ses fonctions avant la fin de son mandat pour des raisons de santé. Son mandat de sept ans devait se terminer en 2025.

En principe, le premier ministre doit consulter les partis de l’opposition avant de nommer un nouveau commissaire. Or, le Parti conservateur, le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique (NPD) ont confirmé à La Presse qu’aucune consultation n’avait eu lieu jusqu’ici concernant la nomination d’un nouveau chien de garde de l’éthique.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le député conservateur Michael Barrett

Une telle situation est inquiétante, selon le député conservateur Michael Barrett, d’autant que le premier ministre vient d’annoncer un remaniement en profondeur de son cabinet la semaine dernière. Dans le cadre de ce remaniement, sept nouveaux ministres ont été nommés, tandis que 22 autres ont obtenu de nouvelles responsabilités.

Des blâmes du commissaire

Entre autres choses, le commissaire veille à l’application de la Loi sur les conflits d’intérêts. Cette loi s’applique à près de 2800 titulaires de charge publique au sein de l’appareil fédéral, dont le premier ministre, les ministres, les secrétaires parlementaires, le personnel ministériel, les députés et les personnes nommées par décret.

« L’éthique et la reddition de comptes doivent être la pierre angulaire de notre démocratie et de nos institutions démocratiques comme le Parlement », affirme M. Barrett.

Le poste de commissaire à l’éthique est vacant depuis près de six mois. Mais Justin Trudeau n’en fait pas une priorité. Les gens doivent s’en inquiéter, car ce premier ministre a été blâmé à deux reprises par le commissaire dans le passé.

Michael Barrett, député conservateur

M. Barrett faisait allusion au blâme qu’a reçu M. Trudeau après avoir passé des vacances des Fêtes en janvier 2017 sur l’île privée de l’Agan Khan alors que la fondation du leader spirituel effectuait du lobbyisme pour obtenir des subventions du gouvernement canadien.

Dans un autre dossier, M. Trudeau a aussi été blâmé par le commissaire pour avoir exercé des pressions indues sur l’ancienne ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould afin qu’elle accepte de conclure un accord de réparation avec la firme SNC-Lavalin.

« Justin Trudeau n’est pas le seul à avoir été dans la ligne de mire du commissaire à l’éthique. Des ministres de son gouvernement ont aussi été blâmés », a ajouté M. Barrett en rappelant les blâmes adressés au ministre Dominic LeBlanc et à la ministre Mary Ng.

Il a rappelé que le premier ministre a eu la maladresse de nommer commissaire par intérim Martine Richard, une avocate qui travaille au Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique depuis 2013 et qui est la belle-sœur du ministre Dominic LeBlanc. Cette affaire a d’ailleurs provoqué une tempête politique aux Communes et Mme Richard a décidé de quitter ses fonctions moins d’un mois plus tard.

Les critiques fusent

De son côté, le député bloquiste René Villemure, reconnu comme un expert en éthique, se dit inquiet qu’aucune enquête ne puisse aller de l’avant tant qu’un nouveau commissaire n’est pas nommé.

« Cela fait plus de 160 jours que le poste est vacant. Ça n’a pas d’allure. Le poste étant vacant, il n’y a aucune enquête qui peut être entreprise ou conclue. Les dossiers s’accumulent sur le bureau du prochain ou de la prochaine commissaire », a-t-il soutenu.

C’est évident que l’on immobilise la fonction depuis déjà cinq mois et quelques jours. Ce n’est pas un bon signe pour la démocratie.

René Villemure, député bloquiste

Le chef adjoint du NPD, Alexandre Boulerice, a affirmé que le bilan des libéraux en matière d’éthique n’est pas reluisant et que ce n’est pas en traînant les pieds dans ce dossier qu’il faut renforcer la confiance des Canadiens.

« Ce gouvernement libéral a eu à répétition des problèmes concernant l’éthique et les conflits d’intérêts. Il me semble qu’il devrait être plus prudent. Cette lenteur, qui est un problème récurrent, n’aide pas à rétablir la confiance des gens », a-t-il dit.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Mario Dion, ancien commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique du Canada

Même l’ancien commissaire Mario Dion montre des signes d’impatience sur les médias sociaux devant la lenteur du gouvernement Trudeau à lui trouver un successeur.

« Des douzaines de nominations approuvées par décret dans la dernière semaine. Toujours rien du côté [du Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique]. Les rapports annuels dus cette semaine en vertu de la Loi ne seront pas déposés avant Dieu sait quand… juste pas une priorité », a écrit M. Dion sur son compte Twitter le 27 juin.

Au bureau du premier ministre, on a transmis toutes nos questions à ce sujet au Bureau du Conseil privé. Un porte-parole du Bureau du Conseil privé, Pierre-Alain Bujold, a indiqué par courriel qu’un commissaire serait nommé « en temps opportun ».