(Ottawa) Les députés fédéraux quittent la colline et rentrent dans leurs terres pour trois mois à l’issue d’un printemps agité, marqué au fer rouge par l’enjeu de l’ingérence étrangère. Le temps passera peut-être moins vite pour certains ministres qui se demanderont s’ils conserveront voiture et chauffeur, alors que circulent des rumeurs de remaniement. Bilan en cinq temps.

Ingérence chinoise

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

L’ancien gouverneur général devenu rapporteur spécial sur l’ingérence étrangère, David Johnston

Des mois de fuites de documents secrets du SCRS dans les médias, des dizaines d’heures de réunions de comités de la Chambre des communes, une Fondation Pierre Elliott Trudeau fragilisée, des députés fédéraux peut-être épiés par le régime chinois, un diplomate du consulat de Chine à Toronto déclaré persona non grata, une promesse de créer un registre des agents étrangers, des demandes à répétition d’une enquête publique sur l’ingérence, un ancien gouverneur général devenu rapporteur spécial contraint de démissionner – et son rapport aussitôt condamné à accumuler la poussière –, des ministres tenus dans l’ignorance, des ministres contredits, un gouvernement libéral en situation minoritaire déstabilisé, tout ça, en 100, 125 mots maximum ? À l’impossible, nul n’est tenu, dit un proverbe (pas) chinois.

Calendes grecques

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

La ministre des Finances fédérale, Chrystia Freeland

C’est à cette date qu’a renvoyé la ministre des Finances Chrystia Freeland le moment du retour à l’équilibre budgétaire dans l’exercice financier qu’elle a déposé en avril. Elle l’avait fixé à 2027-2028 dans l’énoncé automnal de 2022, mais depuis, tout est écrit à l’encre rouge. Le chef conservateur Pierre Poilievre fait son pain et son beurre des « déficits inflationnistes » libéraux, accusant le gouvernement d’être déconnecté de la population, et lui reprochant de condamner des adultes dans la trentaine à rester dans le sous-sol de leurs parents. À ces critiques, l’argentière brandit en guise de preuve de saine gestion financière la cote AAA attribuée par Standard & Poor’s et le fait que le Canada a le déficit le plus faible des pays du G7.

Roxham fermé

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Le chemin Roxham, du côté américain, au lendemain de sa fermeture.

On en a tant parlé qu’une issue était presque devenue illusoire. Pendant des années, les libéraux ont été fustigés pour leur gestion de l’arrivée des demandeurs d’asile à certains passages irréguliers comme le chemin Roxham en utilisant une brèche de l’Entente sur les tiers pays sûrs. Jusqu’à ce que le président des États-Unis, Joe Biden, visite le Canada pour la première fois, en mars dernier. C’est à cette occasion, et à la surprise générale, qu’Ottawa et Washington ont annoncé que le pacte bilatéral s’appliquerait dorénavant à l’entièreté de la frontière terrestre de quelque 8900 km. En contrepartie, le Canada a accepté de réinstaller en un an 15 000 réfugiés de l’hémisphère Ouest. Trois mois plus tard, on attend toujours les détails du programme d’accueil.

Appétit pour les batteries

PHOTO BLAIR GABLE, ARCHIVES REUTERS

Le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne

Les États-Unis et leur Inflation Reduction Act forcent le Canada à placer ses pions pour assurer la pérennité de son industrie automobile et développer la filière batterie. Et c’est l’infatigable ministre François-Philippe Champagne qui est le joueur délégué par Justin Trudeau. Il y a eu des annonces à l’usine de matériaux de batteries de General Motors à Bécancour, au Québec (147 millions), mais surtout, celle de la future giga-usine de batteries de Volkswagen en Ontario (13 milliards selon le gouvernement, 16,3 milliards selon le directeur parlementaire du budget). « Un investissement historique », s’est félicité le ministre François-Philippe Champagne au sujet de l’entente, dont Pierre Poilievre n’a pas dit clairement s’il l’endossait.

Bilan législatif

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino

Après un départ laborieux l’hiver dernier et un printemps monopolisé par l’ingérence chinoise, le gouvernement est parvenu à faire adopter des projets de loi auxquels il tenait. Certains, dont C-11 (modernisation de la Loi sur la radiodiffusion), C-13 (refonte de la Loi sur les langues officielles), et C-18 (géants du web), étaient au feuilleton depuis plus d’un an ; leur cheminement a été pénible. Au rayon des déceptions, on retrouve le projet de loi C-21 sur le contrôle des armes à feu. Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, s’est tiré dans le pied en déposant une liste d’armes à bannir, qu’il a dû retirer. La Chambre a approuvé C-21, mais les conservateurs au Sénat ont refusé d’en assurer l’adoption rapide.