(Ottawa) Le Parlement a accordé la citoyenneté canadienne honoraire à Vladimir Kara-Murza, un représentant de l’opposition russe emprisonné dans son pays.

Le Sénat a voté mardi soir pour saluer l’éminent journaliste et militant russe ; la Chambre des communes avait voté sur cette motion jeudi dernier.

« La pire chose qui puisse arriver aux prisonniers politiques, c’est qu’on les oublie, a déclaré en entrevue le sénateur québécois Pierre Dalphond. Nous voulons montrer que nous sommes avec lui, que nous pensons à lui, et que le Kremlin ne pourra pas le faire disparaître. »

Vladimir Kara-Murza, un éminent journaliste et militant qui a été un dirigeant d’un parti politique en Russie, a été accusé en avril 2022 de « diffusion délibérée de fausses informations » sur l’invasion de l’Ukraine, que Moscou interdit de qualifier de « guerre ». Il purge une peine de 25 ans de prison, malgré de graves ennuis de santé.

Avant la guerre en Ukraine, il était venu au Canada pour aider les députés et les sénateurs à réformer le régime de sanctions d’Ottawa, afin d’adopter une position plus ferme contre le Kremlin.

Des partisans du dissident ont allégué que M. Kara-Murza a été empoisonné par des « acteurs étatiques » russes, deux fois, à son retour dans son pays après avoir témoigné à la Chambre des communes et au Sénat en 2016 et 2019.

« Il a eu le courage de revenir, a déclaré le sénateur Dalphond, qui a déposé la motion à la chambre haute. Il aurait pu rester hors de Russie après avoir survécu au deuxième empoisonnement, mais il a décidé de rentrer en Russie et de s’opposer à Poutine et à son régime. »

La motion de la Chambre des communes a été adoptée avec le consentement unanime des députés, après avoir été déposée par le porte-parole conservateur en matière de citoyenneté, Tom Kmiec.

Purement symbolique

Dans un courriel, le porte-parole du ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a souligné que cette désignation honorifique est symbolique — elle ne confère pas les avantages de la citoyenneté normale, tels que les services consulaires, un passeport, le droit de vote ou la possibilité de se présenter aux élections.

« Il est important de noter que la décision est de nature politique, qu’elle est prise par résolution conjointe des chambres du Parlement et ne relève pas de la responsabilité (du ministère) et du ministre, a écrit Jeffrey MacDonald. Comme cette décision est purement symbolique, aucune autre déclaration ne sera faite au-delà de la motion (de la Chambre des communes). »

L’ancien procureur général Irwin Cotler a fait valoir que la citoyenneté honoraire envoyait un message de soutien à tous les Russes détenus pour avoir dénoncé l’invasion à grande échelle de l’Ukraine. L’organisme russe de défense des droits de la personne OVD-Info affirme que plus de 20 000 personnes sont dans cette situation.

L’ambassadeur de Russie à Ottawa, Oleg Stepanov, a soutenu que cette décision donnait aux parlementaires « 15 secondes sous les projecteurs », sans plus.

L’épouse de M. Kara-Murza, Evgenia, a déclaré mardi à CNN que son mari avait parlé cette semaine avec leurs enfants pour la première fois en un an, après que des responsables russes ont insisté sur le fait qu’il ne pouvait pas avoir d’appel téléphonique avec eux parce qu’ils vivaient aux États-Unis.

Les parlementaires ont voté pour la dernière fois en 2014 pour accorder la citoyenneté honoraire à un « citoyen étranger de mérite » ; la militante pakistanaise Malala Yousafzai a accepté cet honneur trois ans plus tard à Ottawa.

M. Kara-Murza est la septième personne à recevoir la citoyenneté canadienne honoraire. La politicienne birmane Aung San Suu Kyi l’avait reçue en 2007, mais les députés ont voté pour lui révoquer en 2018, en raison de sa complicité avec la persécution contre les Rohingya, que la Chambre a également reconnue comme un génocide.

La plupart des récipiendaires — peut-être tous — ont reçu un certificat de citoyenneté honoraire d’un haut fonctionnaire canadien, souvent au Canada, mais parfois à l’étranger. On ignore si cela sera possible pour M. Kara-Murza pendant son incarcération.