(Ottawa) Le Canada suspend, avec effet immédiat, toutes ses activités à la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII) et déclenche un examen de l’adhésion du Canada à l’institution, à la lumière d’allégations de la mainmise qu’exercerait Pékin sur la Banque.

La ministre des Finances et vice-première ministre Chrystia Freeland a ordonné ce temps d’arrêt mercredi au parlement, quelques heures après que le dirigeant de la communication mondiale de la BAII, un Canadien, a annoncé sur Twitter qu’il démissionnait en raison de l’hégémonie du Parti communiste chinois.

« J’ai présenté ma démission en tant que chef de la communication mondiale de [la Banque]. En tant que patriote canadien, c’était ma seule option », a écrit Bob Pickard dans un gazouillis publié dans la nuit de mardi à mercredi (heure avancée de l’Est).

« La Banque est dominée par des membres du Parti communiste et possède également l’une des cultures les plus toxiques imaginables. Je ne crois pas que les intérêts de mon pays soient servis par son adhésion à la BAII », a-t-il poursuivi dans le même gazouillis.

À Ottawa, la ministre Freeland a assuré que la révision de l’adhésion serait réalisée « promptement », et a dit qu’elle n’écartait aucune option à l’issue de l’exercice. Le Canada, a-t-elle aussi souligné, « discutera de cette question avec ses alliés et partenaires qui sont membres de la Banque ».

Créée en janvier 2016 et située à Pékin (Beijing), la BAII est une banque multilatérale de développement axée sur le développement économique au moyen de financement d’infrastructures en Asie, lit-on sur un site web gouvernemental canadien.

Elle compte 102 pays membres et membres potentiels, y compris 57 membres fondateurs, dont l’Australie, la Chine, la France, l’Allemagne, l’Inde, l’Italie, la Corée du Sud et le Royaume-Uni, et elle a reçu une cote de crédit AAA de S&P, de Moody’s et de Fitch, est-il expliqué sur le même site.

Le gouvernement Trudeau y a adhéré en mars 2018.

Tous les leaders qui se sont succédé à la barre du Parti conservateur, d’Andrew Scheer à Pierre Poilievre en passant par Erin O’Toole, l’ont exhorté à s’en retirer.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre

« On vient de nous donner raison », s’est félicité le chef Poilievre lors de la période de questions en Chambre.

Il est donc revenu à la charge en sommant le gouvernement Trudeau de résilier son adhésion à la BAII et de récupérer les sommes investies jusqu’à présent, étant donné que « la Banque est contrôlée par Pékin pour agrandir l’Empire chinois à travers le monde avec l’argent des contribuables canadiens ».

Le ministre associé des Finances, Randy Boissonault, s’est contenté de répéter une partie de la déclaration faite plus tôt dans le foyer de la Chambre des communes par Chrystia Freeland.

« Un mensonge »

L’ambassade de la Chine au Canada a nié les allégations faites par l’ancien employé canadien de la Banque.

« La Chine est un membre important de l’AIIB, suit les règles et procédures multilatérales et participe à la prise de décision par le biais de mécanismes de gouvernance multilatéraux tels que le conseil des gouverneurs et le conseil d’administration », a écrit son porte-parole dans un courriel.

« L’affirmation selon laquelle l’AIIB est contrôlée par le Parti communiste chinois n’est rien d’autre qu’un mensonge », a-t-il conclu.