Le ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, a pourfendu, mardi, « certains médias et certains partis politiques » qui, au Québec, voient l’immigration « comme une menace ».

Le lieutenant du Québec pour le gouvernement Trudeau était de passage à Montréal pour annoncer une aide de 5,6 millions à la Factry pour une initiative de formation qui sera offerte à 375 nouveaux arrivants francophones, surtout au Québec, mais aussi en Ontario, au Manitoba, en Alberta et en Colombie-Britannique.

Devant les représentants de la Factry et de divers groupes œuvrant dans le domaine de l’immigration, Pablo Rodriguez a déclaré que « ce que je vois ici, c’est l’avenir du Québec, ce que je vois ici, c’est l’avenir du Canada. Ce que je ne vois pas, c’est une menace pour le Québec. Ce que je ne vois pas, c’est une menace pour le Canada. »

Attaque inacceptable

Et c’est là qu’il a enchaîné, sans nommer quiconque, qu’il y a « une partie de discours sur l’immigration qui est poussée par certains médias et certains partis politiques que je n’aime pas et qui ne correspond pas à qui nous sommes comme société. Je trouve ça désolant parce que ça attaque des milliers de personnes qui sont venues ici contribuer à notre société. Je trouve ça essentiellement inacceptable. »

Le ministre a poursuivi en appelant à cesser de distinguer le « nous » et le « vous », rappelant que l’immigration, ce n’est pas qu’une série de statistiques et de pourcentage, mais plutôt « du vrai monde : une fois qu’ils sont ici, ils sont d’ici », a-t-il lancé sous les applaudissements des personnes réunies pour l’annonce.

« Quand est-ce qu’un immigrant cesse d’être un immigrant ? »

« Quand est-ce qu’un immigrant cesse d’être un immigrant ? », a-t-il, poursuivi, prenant sa propre famille en exemple.

« Je suis arrivé ici j’avais huit ans. Je ne parlais pas un mot de français. Juste l’espagnol. Personne de ma famille ne parlait français. Est-ce que c’est une menace pour nous, la société québécoise ou canadienne ? Je ne pense pas.

« Ce discours négatif doit cesser parce que c’est blessant. Vous avez des enfants qui disent : qu’est-ce que j’ai fait pour qu’on me pointe du doigt ? Qu’est-ce que mon papa ou ma maman a fait pour qu’on me pointe du doigt ? », a plaidé le ministre.

Reconnaissance des diplômes : « Ça n’a pas d’allure »

Interrogé par la suite sur la difficulté pour les immigrants d’obtenir la reconnaissance de leurs diplômes, Pablo Rodriguez y est allé d’une autre sortie, cette fois contre l’ensemble des gouvernements : « Ça n’a pas d’allure. Depuis le temps qu’on en parle, on change de gouvernement après gouvernement, tous les paliers de gouvernement confondus. »

Au-delà des gouvernements, le ministre n’a pas manqué d’écorcher au passage les corporations et ordres professionnels. « Je pense qu’il y a une sorte de protectionnisme au niveau des corporations. Je pense qu’il y a une volonté globale d’aller de l’avant avec une reconnaissance quand on regarde l’ensemble de la société, mais il y a des barrières qu’on doit faire tomber parce que moi, je trouve ça inacceptable. »

À nouveau, il a évoqué son histoire personnelle. « Quand mes parents sont arrivés ici, les deux étaient diplômés universitaires. Aucun diplôme reconnu. Ils faisaient du ménage dans les maisons et ils ne savaient pas faire du ménage ! Ils ont fait leurs équivalences tous les deux. Mon père a complété son doctorat à 50 ans et les deux ont été professeurs à l’Université de Sherbrooke. »

La présidente-directrice générale de la Factry, Marie Amiot, abondait dans le même sens. « Je connais beaucoup de nouveaux arrivants qui sont ingénieurs, qui travaillent dans des entrepôts, qui sont des comptables qui vont faire des emplois », a-t-elle dit.

Collaboration fédérale-provinciale

Bien que ce soit habituellement le gouvernement du Québec qui soutienne l’intégration des nouveaux arrivants, Mme Amiot s’est tournée vers le fédéral pour cette formation, qui répondait davantage aux critères du programme Compétences pour réussir, du gouvernement Trudeau. La formation qui sera offerte vise l’acquisition de compétences axées sur la collaboration, l’adaptabilité, la communication, la résolution de problèmes, la créativité et l’innovation.

Québec, souligne Mme Amiot, n’en sera pas froissé, bien au contraire. « Quand on a vu l’impulsion qui était donnée par le fédéral, c’est nous qui avons décidé de faire un programme qui s’adresse aux nouveaux arrivants francophones.

« J’ai rencontré récemment le ministre (de la Langue française, Jean-François) Roberge à qui je parlais du programme qui s’est montré extrêmement ouvert. Ce que j’ai senti comme organisme, c’est une belle volonté de collaboration », a-t-elle relaté.

Pablo Rodriguez, de son côté, a précisé que l’initiative avait fait l’objet d’échanges avec Québec, comme plusieurs autres. « Il y a plusieurs programmes comme celui-ci où il y a des discussions préalables et elles sont nécessaires ces discussions préalables entre les deux paliers de gouvernement pour que ces programmes aillent de l’avant », a-t-il dit.