Le gouvernement libéral souhaite s’attaquer au problème de la désinformation, mais cela n’inclura pas la réglementation du recours aux sources par des journalistes, a déclaré mercredi le ministre du Travail Seamus O’Regan.

Celui-ci a fait savoir que le gouvernement ne bougerait pas sur une résolution politique approuvée lors du congrès du Parti libéral fédéral le 6 mai. La résolution pourrait s’aventurer dans la réglementation des pratiques journalistiques, ce qui, selon O’Regan, n’est pas envisageable.

« Nous ne permettrions jamais que cela devienne loi, a annoncé M. O’Regan. Pas sous ma garde. »

La résolution parle de la montée de la désinformation, en particulier en ligne, et de l’impact négatif que cela a créé au niveau de la confiance dans le gouvernement et les médias.

Le ministre appelle spécifiquement à lutter contre la montée de la désinformation par des efforts consistant notamment à tenir les « services d’information en ligne » responsables de ce qu’ils publient et à interdire l’utilisation de sources qui ne peuvent pas être retrouvées.

M. O’Regan a rappelé que bien que la politique ne s’adresse pas directement aux sources médiatiques, il pourrait y avoir des ramifications pour elles et donc pour la liberté de la presse.

Les réglementations exigeant que toutes les sources de matériel publié soient retrouvées pourraient être interprétées comme une restriction à l’utilisation de sources anonymes, par exemple.

Le premier ministre Justin Trudeau a également rejeté toute idée que la résolution serait reprise par son gouvernement.

Celle-ci fera partie de la politique officielle du Parti libéral pour les huit prochaines années, mais le gouvernement n’est pas tenu de la mettre en œuvre et le parti n’a pas à faire campagne à ce sujet.

Catherine Evans, de Vancouver, membre du Parti libéral, a parrainé la résolution.

Elle a affirmé lors de la convention que la désinformation est un problème « essentiel à notre démocratie et qui doit être résolu ».

Elle a mentionné aux journalistes lors de l’évènement qu’elle n’avait pas l’intention de les cibler avec la résolution, mais plutôt la pléthore de sites en ligne qui font des déclarations sauvages sans aucune notion de l’origine de l’information.

La résolution était l’une des 24 approuvées à la convention. Certaines d’entre elles ont été accélérées jusqu’au vote final avant même le début du congrès, mais celle-ci a dû passer par un débat et un vote initial dans un atelier sur les politiques avec un petit groupe de libéraux.

Le vote final du 6 mai aurait pu impliquer les 4000 libéraux inscrits à la convention, mais moins de 200 y ont participé. Le vote s’est déroulé à main levée.

Les 24 résolutions adoptées ont ensuite été classées par ordre d’importance par les membres du parti lorsqu’ils ont voté par voie électronique pour le nouveau président du parti. La politique de lutte contre la désinformation est classée dixième.

Le cabinet partagé

Les préoccupations de M. O’Regan sont partagées par de nombreux membres du cabinet, dont le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault. Il a déclaré en français mercredi que les conventions politiques sont censées avoir un débat vigoureux, et parfois les membres font les choses correctement. Mais dans ce cas, il pense que les membres se sont trompés.

La députée libérale de Toronto, Julie Dzerowicz, a écrit sur Twitter qu’elle la classait au deuxième rang des résolutions, derrière seulement un revenu de base garanti.

Dans une interview mercredi, Mme Dzerowicz a déclaré qu’elle ne soutenait rien qui interférerait avec la liberté de la presse ou l’intégrité journalistique, y compris la réglementation des sources utilisées dans les informations en ligne.

Elle a ajouté que la désinformation et la mésinformation sont deux de ses plus grandes préoccupations, et quelque chose dont elle entend également beaucoup parler de la part de ses électeurs.

« C’est quelque chose qui m’inquiète beaucoup », a-t-elle déclaré.

Les résolutions politiques lors d’un congrès ne doivent pas être considérées comme si elles seraient absorbées et adoptées par le gouvernement, a-t-elle nuancé. Mais celle-ci soulève des inquiétudes au sujet d’un problème et ouvre la porte à une conversation sur la façon de le résoudre.

M. O’Regan a dit réfléchir au fait que cette politique a été adoptée et qu’elle est immédiatement désavouée, ne sachant pas si les gens qui ont voté pour lui ont pleinement compris les ramifications qu’elle implique.

Les libéraux ont déjà été accusés d’avoir tenté de censurer des sites en ligne par le biais du projet de loi C-11, qui est devenu loi le mois dernier.

La nouvelle loi vise à faire appliquer les dispositions relatives au contenu canadien imposées aux radiodiffuseurs ou aux télédiffuseurs traditionnels, sur des sites en ligne comme YouTube ou Spotify lorsqu’ils diffusent du contenu commercial.

Les conservateurs l’ont qualifié de projet de loi sur la censure qui permettra au gouvernement de dicter ce que les sites en ligne peuvent et ne peuvent pas publier.

Mais les libéraux disent que ce n’est pas du tout ce que fait la nouvelle loi. Le gouvernement dit plutôt qu’elle veille à ce que les artistes canadiens reçoivent leur dû sur les diffusions en ligne au Canada.