(Ottawa) Jamais les services de renseignement canadiens n’ont levé de drapeau rouge pour signaler une possible tentative d’ingérence de la Chine au Canada par l’entremise de la Fondation Pierre Elliott Trudeau, a insisté son président du conseil d’administration intérimaire, Edward Johnson. Son témoignage, qui n’a pas offert de nouvel éclairage sur la façon dont le don chinois a été remboursé, a été taillé en pièces par l’opposition.

La comparution du représentant de l’organisme devant un comité des Communes, mardi, s’est inscrite dans la lignée de ceux de l’ancien dirigeant Morris Rosenberg et d’Alexandre Trudeau : il a lui aussi plaidé que la Fondation n’avait rien à se reprocher, nié la version des faits de Pascale Fournier et remis en question, bien que plus subtilement que le frère de Justin Trudeau, le travail des médias.

Dans sa déclaration d’ouverture, il a déploré que la crise ait valu à l’organisation « des attaques indésirables et injustifiées », d’autant plus que « le SCRS [Service canadien du renseignement de sécurité] n’a jamais levé de drapeau rouge » en matière d’ingérence, a-t-il dit devant le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique.

Au député conservateur Michael Barrett, qui lui demandait comment il pouvait être convaincu que le régime chinois n’avait pas l’intention d’utiliser la Fondation comme véhicule d’ingérence, il a répondu avec une pique à l’intention du quotidien The Globe and Mail, qui a fait état de ces allégations.

Ma position, c’est qu’il n’y a jamais eu d’occasion pour la ‟soi-disant” opération d’ingérence d’avoir lieu.

Edward Johnson, président et chef de la direction intérimaire de la Fondation Pierre Elliott Trudeau

L’élu bloquiste René Villemure a demandé au membre fondateur de la Fondation comment le comité pouvait réconcilier sa version et celle de l’ancienne présidente et cheffe de la direction Pascale Fournier. Celle-ci, qui a démissionné de son poste dans la foulée de l’affaire du don chinois, s’est livrée à une attaque en règle contre ses anciens collègues lors de sa comparution devant le même comité.

« Je ne peux pas l’expliquer, et je suis désolé. Je ne peux pas parler pour elle. Mais moi, je sais ce qui se passe à la Fondation en ce moment, et ça me rend optimiste », a-t-il répondu en français. Il avait plus tôt assuré que le processus de sélection de la prochaine cohorte de boursiers était en branle et remercié son équipe « merveilleuse et enthousiaste ».

Des questions sans réponses

Il a cependant été plus qu’avare de détails sur la façon dont la somme de 140 000 $ a finalement été remise au donateur chinois à l’origine de la controverse – beaucoup trop au goût des élus, surtout les conservateurs, qui l’ont malmené vers la fin de la séance du comité.

Le député Luc Berthold a avancé que la loyauté libérale du témoin empêchait le comité d’aller au fond des choses. « Vous allez toujours prendre le camp de la famille Trudeau dans vos réponses », a-t-il dit à Edward Johnson, qui a notamment été adjoint de direction du premier ministre Pierre Elliott Trudeau de 1980 à 1984, et haut dirigeant de Power Corporation.

« C’est clair que vous protégez actuellement quelqu’un, quelque chose, a-t-il accusé. Mais c’est impensable, incompréhensible et, surtout, inacceptable que vous n’ayez pas été mieux préparé pour venir ici. Vous saviez qu’on allait vous poser des questions sur le reçu. Vous saviez qu’on allait vous poser des questions sur le chèque. »

La rencontre de mardi devait durer deux heures, mais elle a été écourtée de moitié environ, car les députés ont été rappelés en Chambre deux fois pour voter.

Rectificatif :
Dans une version précédente de ce texte, il était écrit que M. Johnson avait lui-même demandé à comparaître en comité, tel que l’avait affirmé un député conservateur du comité. Or, ce n’est pas le cas : M. Johnson a été invité par le comité. Nous avons donc retiré ce passage du texte. Nos excuses.