(New York) Le premier ministre Justin Trudeau a été confronté à des questions pointues sur les réductions de son gouvernement dans les dépenses d’aide étrangère jeudi lors d’une conférence à New York lors de laquelle il espérait se montrer comme un agent international de changement.

L’apparition de M. Trudeau à Global Citizen Now, un rassemblement de dirigeants mondiaux, de célébrités et de militants axé sur la promotion du développement durable à l’échelle internationale, devait être une plateforme de mise en valeur d’un nouveau financement fédéral pour promouvoir les droits des femmes.

Mais l’animatrice et ancienne présentatrice de CTV, Lisa LaFlamme, a interrogé le premier ministre à plusieurs reprises sur le dernier budget fédéral de son gouvernement, qui reflète une réduction globale des dépenses de l’aide au développement d’environ 15 %.

« C’est 1,3 milliard qui vient de disparaître des organisations qui en dépendent si fortement, a déclaré Mme LaFlamme. Comment, tout d’abord, justifiez-vous cela ? »

Avant 2019, le gouvernement libéral s’était engagé à augmenter régulièrement l’aide humanitaire chaque année, « et nous l’avons fait », a répondu M. Trudeau.

La pandémie de COVID-19 en 2020, l’invasion de l’Ukraine par la Russie l’année dernière et d’autres crises dans le monde, y compris en Afghanistan, ont entraîné des dépenses ponctuelles démesurées, a-t-il déclaré.

Il est probable qu’il y aura d’autres catastrophes humanitaires avant la fin de l’exercice qui obligeront le Canada à prendre des engagements supplémentaires, mais « la base de référence continue d’augmenter », a soutenu M. Trudeau.

« Nous l’avons augmenté massivement à cause de la pandémie, à cause de diverses crises auxquelles nous avons dû répondre », a-t-il déclaré.

Nous continuerons — comme le Canada le fera toujours — d’être là (pour) des crises ponctuelles… nous continuerons d’être là parce que nous sommes déterminés à fournir une aide internationale axée sur l’autonomisation des femmes et des filles.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Financement canadien pour les droits des femmes

À partir de là, M. Trudeau a enchaîné avec ce dont il était venu surtout parler à New York : un investissement de 195 millions sur cinq ans — plus 43 millions chaque année subséquente — dans la défense des droits des femmes dans le monde.

Il a déclaré que le programme, Voix et leadership des femmes, avait aidé plus de 1500 organisations depuis son lancement en 2017. Cela dépassait de loin l’objectif initial de 400 groupes, qui reçoivent l’aide sans condition.

« Nous savons que ce type d’initiatives — défendre les droits des femmes à partir de ce niveau communautaire de base, dirigé par des femmes, ayant un impact sur d’autres femmes — est l’un des moyens les plus puissants d’effectuer des changements », a affirmé le premier ministre.

La porte-parole du Nouveau Parti démocratique (NPD) en matière de condition féminine et d’égalité des genres, Leah Gazan, a lancé jeudi une missive réprimandant M. Trudeau pour avoir coupé le financement des refuges pour femmes au Canada.

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La députée du NPD, Leah Gazan

« Il a l’obligation morale de soutenir les femmes à l’échelle internationale et ici au Canada. Il doit faire les deux », a déclaré Mme Gazan, qui a accusé le gouvernement d’avoir réduit le financement de 150 millions.

« Un vrai gouvernement féministe ne tournerait jamais le dos à aucune femme, que ce soit au Canada ou dans le monde, pendant une période de besoins aussi critiques », a-t-elle ajouté.

Finalement, la conversation à New York s’est tournée vers le droit à l’avortement, qui a été légalement assiégé ces derniers mois aux États-Unis — une chance pour M. Trudeau de marquer un contraste entre ses libéraux et les conservateurs de l’opposition.

M. Trudeau a commencé sa première journée complète dans la ville par une visite à l’ONU, où il a rencontré brièvement la première ministre de la Barbade, Mia Mottley, pour parler de l’une de leurs passions communes : faire progresser les objectifs de développement durable dans les pays du Sud.

Les deux dirigeants ont également organisé une réunion du comité de l’ONU qu’ils coprésident ensemble : les défenseurs des ODD (objectifs de développement durable), un groupe de militants et d’experts internationaux mettant l’accent sur une liste d’ambitieux objectifs de développement durable d’ici 2030.

Résolument « pro-choix »

Le ministre du Développement international, Harjit Sajjan, a utilisé l’annonce de jeudi pour bien mettre en opposition les libéraux et les conservateurs. « En ce qui concerne les droits des femmes, notre gouvernement est résolument pro-choix », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse sur la colline du Parlement.

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Le ministre du Développement international, Harjit Sajjan

Les conservateurs continuent de chercher des moyens de rouvrir le débat sur l’accès à l’avortement, et contrairement à eux, nous ne resterons jamais silencieux sur ces questions.

Harjit Sajjan, ministre du Développement international

Le droit à l’avortement est depuis longtemps un paratonnerre politique dans les deux pays, mais le débat a pris de l’ampleur aux États-Unis l’année dernière lorsque la Cour suprême a annulé la décision historique de 1973 sur le droit à l’avortement, l’arrêt Roe c. Wade.

La position des conservateurs sur l’avortement au Canada n’a jamais été entièrement alignée sur celle de leurs homologues républicains au sud de la frontière, mais les opposants à l’interruption volontaire de grossesse sont une voix forte au sein de la base du parti. Par contre, le chef Pierre Poilievre s’est décrit comme pro-choix.

Minéraux critiques

Le voyage de M. Trudeau à New York mettra également l’accent sur le commerce des minéraux essentiels.

Les experts des deux côtés de la frontière espèrent en savoir plus sur la façon dont Ottawa prévoit de développer rapidement son secteur des minéraux critiques.

L’ancienne diplomate Louise Blais, maintenant conseillère principale au Conseil canadien des affaires, estime qu’il est temps de détailler le plan pour faire sortir de terre ces richesses du 21e siècle.

M. Trudeau vise à mettre à profit l’élan de ce que la plupart des observateurs considèrent comme une visite réussie et productive du président Joe Biden à Ottawa, le mois dernier.