(Ottawa) Le ministre du Développement international, Harjit Sajjan, a déclaré mercredi à ses collègues députés qu’il ne savait pas qu’une sénatrice canadienne distribuait des documents de voyage non autorisés à des centaines d’Afghans lors de la montée des talibans en 2021, car il ne vérifiait pas ses courriels à l’époque.

La semaine dernière, la sénatrice Marilou McPhedran a témoigné au comité de l’immigration de la Chambre des communes que le chef de cabinet de M. Sajjan, George Young, lui avait donné un modèle de « lettre de visa de facilitation » que les gens pourraient utiliser pour franchir les points de contrôle sur le chemin de l’aéroport pour fuir leur pays.

PHOTO PATRICK DOYLE, LA PRESSE CANADIENNE

La sénatrice Marilou McPhedran

Elle a partagé ce modèle avec plusieurs « intervenants de confiance », dont le responsable des droits de l’homme de la FIFA et un ancien olympien canadien.

Mme McPhedran ne sait pas combien de lettres ont été distribuées, mais estime le nombre à environ 640.

M. Sajjan était ministre de la Défense nationale à l’époque. La sénatrice McPhedran a soutenu qu’elle l’avait mis en copie, ainsi que plusieurs autres ministres, de nombreux courriels concernant ses activités.

Le ministre Sajjan a dit devant le comité qu’il était tellement occupé à l’époque qu’il n’avait pas eu le temps de vérifier sa boîte de réception.

« Pendant l’évacuation, je n’avais vraiment pas le temps de consulter mes courriels », a-t-il réitéré aux journalistes après son passage devant le comité.

L’élu libéral a mentionné en comité qu’il était absorbé 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 par des mises à jour de sécurité continues sur la situation en Afghanistan, tout au long du mois d’août 2021, alors que les Forces armées canadiennes prêtaient main-forte à l’évacuation des Afghans.

Même lors du lancement de campagne électorale fédérale en août 2021, M. Sajjan a affirmé qu’il était entièrement concentré sur la situation en Afghanistan jusqu’à ce que le dernier vol d’évacuation canadien quitte la capitale, Kaboul.

Il a précisé être au courant d’authentiques lettres de visa de facilitation données par Affaires mondiales Canada, mais n’a autorisé personne d’autre à les utiliser.

Dans un communiqué, le ministère de l’Immigration a indiqué avoir envoyé plusieurs lettres authentiques directement aux ressortissants afghans éligibles pour venir au Canada pour les aider à franchir les points de contrôle, mais n’a pas autorisé des tiers à les distribuer au nom du gouvernement.

La situation a été soumise à la Gendarmerie royale du Canada, qui a statué qu’elle ne pouvait pas poursuivre une enquête viable.

Pendant ce temps, le refus du gouvernement d’honorer les documents permettant aux Afghans d’entrer au Canada fait maintenant l’objet d’un procès.

Des explications critiquées

La députée conservatrice Michelle Remple Garner a comparé l’explication du ministre à l’excuse selon laquelle « le chien a mangé mes devoirs ».

« La réponse “ Je n’ai pas vérifié mes courriels ” était absurde », a-t-elle déclaré après la réunion, soulignant ce qui lui apparaît comme un manque de surveillance et d’équité dans le processus.

Mme McPhedran a déposé ses courriels auprès du comité, mais ils n’ont pas encore été partagés avec les membres.

Dans une déclaration écrite envoyée à La Presse Canadienne mercredi, elle a remercié M. Sajjan pour son engagement à faire sortir les Afghans, y compris les femmes et les filles à haut risque, du pays.

Elle l’a également remercié pour son « appréciation de son chef de cabinet de l’époque, George Young, pour avoir travaillé avec diligence pour tenter de sauver des vies ».

M. Young ne lui a jamais dit que la sénatrice distribuait des lettres de visa de facilitation, a affirmé le ministre, mais il n’a pas voulu commenter davantage si les actions présumées de M. Young étaient appropriées ou non.

Il a indiqué qu’il avait demandé à son personnel de rediriger à l’équipe interministérielle appropriée toutes les personnes qui se préoccupaient de faire sortir des individus d’Afghanistan, mais il a également décrit l’atmosphère frénétique qui régnait à l’époque.

La porte-parole néo-démocrate en matière d’immigration, Jenny Kwan, a déclaré que le ministre est responsable des actions de son chef de cabinet.

« Je suis consternée par les commentaires du ministre et un peu choquée par le niveau d’incompétence, franchement, si c’est ainsi qu’il a agi », a déclaré Mme Kwan.

Les membres conservateurs du comité ont déposé un avis de motion pour appeler M. Young à témoigner.

« Ce témoignage va être essentiel pour comprendre exactement ce qui s’est passé, s’il y avait une autorisation, pourquoi il a entrepris cela et s’il l’a réellement fait », a déclaré Mme Remple Garner après la réunion.