(Ottawa ) Le ministre des Transports, Omar Alghabra, entend serrer la vis aux transporteurs aériens en rendant obligatoire le versement d’une indemnisation financière aux passagers après des annulations de vol, des retards importants ou un refus d’embarquement.

Dans une série de changements annoncés lundi, le ministre Alghabra confirme qu’Ottawa va renverser le fardeau de la preuve en matière d’indemnisation. Résultat : il reviendra aux compagnies aériennes de démontrer pourquoi elle ne devrait pas être accordée aux voyageurs.

Il y aura certaines exceptions qui relèveront de circonstances « très limitées » – comme une tempête de neige majeure qui perturbe le transport aérien. Ces exceptions seront établies au terme d’une consultation publique. Mais les transporteurs auront quand même l’obligation de distribuer des repas et de l’eau aux voyageurs s’ils doivent annuler ou retarder un vol à cause de la météo.

En ce qui a trait aux bagages perdus ou retardés, le gouvernement fédéral entend établir des exigences en matière de remboursement des voyageurs.

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre des Transports, Omar Alghabra

« Les modifications proposées amélioreraient considérablement notre régime de droits des passagers aériens afin de garantir aux voyageurs les services et le traitement pour lesquels ils paient et qu’ils méritent », a indiqué le ministre Alghabra en conférence de presse lundi.

La compensation serait donc l’option par défaut. En plus d’avoir droit à un remboursement, la plupart des passagers aériens auront droit à une compensation financière.

Omar Alghabra, ministre des Transports

Le ministre compte aussi augmenter les amendes imposées aux compagnies aériennes en cas de violation des règlements. Elles passeraient de 25 000 $ à 250 000 $.

Entrée en vigueur en septembre

À l’heure actuelle, la réglementation stipule qu’une compagnie aérienne doit dédommager les passagers lorsqu’un vol est retardé ou annulé pour une raison attribuable à la compagnie.

En cas de retard dû aux conditions météorologiques, les compagnies aériennes sont tenues d’en informer les passagers et de leur proposer une nouvelle réservation.

Mais s’ils ne peuvent pas être réacheminés dans les 48 heures, la compagnie aérienne est tenue de leur offrir un remboursement.

Ces changements apportés à la Loi sur les transports au Canada sont inclus dans le projet de loi C-47 visant à mettre en œuvre le dernier budget déposé par la ministre des Finances, Chrystia Freeland. Les nouvelles mesures devraient entrer en vigueur le 30 septembre, soit après les vacances estivales, une période de pointe dans le transport aérien.

Dans un rapport déposé la semaine dernière, le comité des transports de la Chambre des communes proposait des changements similaires pour renforcer le régime des droits des passagers aériens adopté il y a quatre ans par le gouvernement Trudeau.

Opposition au projet

Le Conseil national des lignes aériennes du Canada (CNLAC) a soutenu que ces changements « n’amélioreront pas les opérations du système de transport aérien canadien, ni l’expérience du voyage pour la clientèle ».

« Le meilleur régime de protection des passagers est un système où les perturbations de voyage sont réduites au minimum. Aucune de ces modifications législatives n’y parviendra », a soutenu Jeff Morrison, président et chef de la direction du CNLAC.

Selon lui, la solution passe davantage par un financement ciblé des infrastructures, un réinvestissement des loyers aéroportuaires, une augmentation de la responsabilité des tiers partis fournisseurs de services et une réduction des coûts et des frais.

Le ministre Alghabra a dévoilé ces changements après des épisodes de voyage plutôt chaotiques dans les aéroports canadiens, notamment pendant les vacances d’été et des Fêtes l’an dernier. Ces périodes de turbulences dans les aéroports ont été causées par une demande croissante des passagers après la pandémie, par des pénuries de main-d’œuvre et par le mauvais temps à Noël.

La grogne des voyageurs a été telle que l’Office des transports du Canada (OTC) a été inondé de plaintes.

La semaine dernière, l’organisme était encore en train d’évaluer quelque 45 000 plaintes, soit plus du triple par rapport à l’année précédente.

À ce sujet, le ministre Alghabra a rappelé qu’il avait accordé un budget supplémentaire de 75,9 millions de dollars sur trois ans afin de permettre à l’OTC d’augmenter la cadence et de réduire l’arriéré de plaintes. Il a aussi annoncé lundi d’autres changements qui devraient permettre un traitement plus rapide des plaintes.

Entre autres choses, il compte simplifier les démarches de résolution des plaintes en éliminant le processus d’arbitrage par des membres nommés par le gouverneur en conseil. L’exercice sera donc mené principalement par le personnel de l’OTC.

Le ministre impose aussi une plus grande charge de la preuve aux transporteurs aériens lorsqu’il est présumé qu’une indemnisation est à verser à un plaignant et il exige des transporteurs aériens qu’ils mettent en œuvre un processus interne pour le traitement des réclamations relatives aux voyages aériens. Il élargit aussi le pouvoir de l’OTC de fixer des frais pour couvrir ses coûts, entre autres choses.

Le NPD a rapidement réagi à ces mesures proposées par le ministre des Transports. Le critique en matière de transports, Taylor Bachrach, a soutenu que les changements ne sont pas à la hauteur des normes établies par l’Union européenne. « Le ministre a promis de donner aux Canadiennes et Canadiens les protections les plus solides au monde pour les passagers aériens, mais cette dernière tentative ne va pas régler les grands problèmes. Jusqu’à présent, les libéraux semblent doubler leur approche coûteuse, complexe et bureaucratique, qui est incapable de répondre aux attentes des voyageurs canadiens. »

Avec la collaboration de Julien Arsenault, La Presse