La présidente de l’Assemblée nationale, Nathalie Roy, a défendu mercredi son institution dans la foulée de critiques venant de Catherine Fournier. Celle-ci dénonce le manque de soutien et de « solidarité » qu’elle a reçus dans la foulée des accusations pour agression sexuelle déposées contre l’ex-péquiste Harold LeBel.

« Personne n’a rien dit, personne n’a vraiment posé de questions. J’ai senti un grand manque de solidarité à mon égard », avait expliqué mercredi Mme Fournier en entrevue avec La Presse1. Elle déplore que malgré la « sensibilité » du secrétariat général de l’Assemblée, seuls quelques « aménagements » lui ont été proposés afin de ne pas croiser Harold LeBel dans le cadre de ses fonctions après sa mise en accusation.

L’homme avait reçu l’ordre de ne pas s’approcher de sa victime, mais pouvait continuer de siéger à l’Assemblée. S’en prenant au manque de soutien général, Mme Fournier avait aussi évoqué en entrevue que seuls 2 des 125 députés lui avaient écrit après l’arrestation. « Dès que j’ai été élue mairesse, il est revenu au Parlement sans que personne n’exprime de malaise ou quoi que ce soit. »

Nathalie Roy estime toutefois que « le bureau de l’Assemblée nationale n’a pas attendu » et a « modifié et bonifié ses règlements pour aider, entre autres, les personnes qui sont victimes de harcèlement psychologique et harcèlement sexuel ».

Un « nouveau commissaire au respect » doit aussi entrer en fonction lors de la prochaine rentrée parlementaire. Ce poste a été créé à la suite de l’adoption d’une loi en juin 2022, à la toute fin de la dernière législature. Il sera « chargé de traiter les situations d’incivilité, de conflit et de harcèlement impliquant un député », un membre de son personnel ou toute autre personne impliquée à l’Assemblée.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

La mairesse de Longueuil, Catherine Fournier

Mme Fournier, elle, veut que la réflexion aille plus loin. « Je ne pense pas que l’Assemblée nationale a ouvert cette réflexion autour de ce qui doit être fait quand un député est accusé, surtout dans un cas d’agression sexuelle. Je suis consciente que c’est délicat, puisqu’il y a la présomption d’innocence qui est toujours importante, mais en même temps, des accusations formelles, ce n’est pas banal », a-t-elle dit en entrevue.

Par la voix de son cabinet, la jeune mairesse a indiqué mercredi prendre acte des réactions, disant toutefois espérer que sa prise de parole « serve non seulement à ce que l’Assemblée nationale se dote de procédures claires en cas d’accusation criminelle d’un député, mais permette également une introspection chez les élus avec qui [elle a] siégé à l’Assemblée nationale au cours de la dernière législature ».

Changer les règles ?

Tous partis confondus, plusieurs députés croient également que les choses doivent changer. Le ministre de la Justice et leader parlementaire de la Coalition avenir Québec, Simon Jolin-Barrette, estime que l’Assemblée nationale devra avoir « des règles claires ».

« Il pourrait y avoir une réflexion. […] Je pense que c’est important, à partir du moment où on vit une situation comme celle-ci, que les élus qui sont victimes puissent exercer leur travail en toute quiétude et faire en sorte qu’ils ne soient pas gênés dans le cadre de leur travail », a-t-il dit en mêlée de presse.

Quand Harold LeBel est tout de même venu siéger à l’Assemblée nationale, le chef par intérim des libéraux, Marc Tanguay, n’a pas vécu de malaise. « Ce n’est pas un questionnement que j’ai eu », a-t-il dit.

Il avoue toutefois qu’une réflexion doit avoir lieu sur ce que l’on doit faire lorsqu’un élu est accusé au criminel. « La façon d’avoir des pratiques et de gérer ça à l’Assemblée nationale, je pense qu’on aurait lieu de revoir ça. J’ose espérer qu’il y aura à l’interne, à l’Assemblée nationale, une réflexion sérieuse qui va être faite, puis peut-être, le cas échéant, d’avoir des modifications de nos pratiques », a-t-il dit.

Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, dit avoir senti un malaise en voyant M. LeBel à l’Assemblée nationale. Il affirme l’avoir ressenti « chez des collègues ».

« J’ai entendu les propos de Catherine, je les ai écoutés, et j’invite l’Assemblée nationale à entamer cette réflexion-là. C’était une situation qui était inusitée, qui était nouvelle à l’époque. Et moi, ce que j’entends, c’est une femme députée nous dire qu’elle ne s’est pas sentie suffisamment appuyée par l’institution. Il faut entendre ça », a dit M. Nadeau-Dubois.

Le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, estime que la situation n’était « pas évidente ». « Dans n’importe quel milieu de travail, ça implique que la présumée victime ne sera plus en contact avec l’employé, sauf qu’à l’Assemblée nationale, la personne demeure élue. Et ce titre d’élu, il est protégé par un cadre », a-t-il dit. Mais il s’attend « à ce que ça change ». « Ça nous amène à des conclusions qui me semblent assez claires. Il y a un encadrement qui n’est pas là. »

L’ex-députée solidaire Catherine Dorion, qui a siégé aux côtés de Mme Fournier et de M. LeBel, a dit mercredi trouver « fondamental de répondre aux violences qu’on subit ». « Même si c’est le lendemain, l’année suivante ou plus tard. Parce que les autres regardent. Ils regardent si c’est David ou si c’est Goliath qui a eu le dernier mot. Et la culture se transforme », a-t-elle déclaré.

1. Lisez l’article « Entrevue avec Catherine Fournier : “Personne n’a rien dit” à l’Assemblée nationale »