(Québec) Compte tenu de leur charge de travail et de leur horaire atypique, des heures qu’ils passent à voyager entre leur circonscription et Québec, mais aussi dans un contexte sécuritaire « de plus en plus préoccupant », le comité chargé de réviser le salaire de base des députés propose de le faire passer de 139 745 $ à 169 950 $ par année. Cette hausse, dit le comité, représente un « minimum acceptable ».

Ces sommes incluent l’indemnité annuelle de base et l’allocation de dépenses des élus. Le rapport du comité, formé à la demande du Bureau de l’Assemblée nationale et composé de l’ex-député péquiste Martin Ouellet, de l’ex-députée libérale Lise Thériault et d’un spécialiste en ressources humaines, Jérôme Côté, qui le préside, a été déposé mercredi au Salon bleu. Les élus devront voter pour ces recommandations s’ils veulent qu’elles soient appliquées.

La rémunération a toujours été un sujet délicat à l’Assemblée nationale. La dernière révision du salaire des députés remonte au début des années 2000. Québec solidaire s’oppose déjà aux conclusions du rapport déposé mercredi et demande qu’un « comité indépendant et exécutoire [obtienne le] mandat de revoir l’ensemble de la rémunération des députés ». Le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, affirme pour sa part que les élus ne devraient pas décider eux-mêmes de leur rémunération.

C’est dur d’être juge et partie. J’ai présidé plusieurs comités de rémunération de compagnies publiques, je pense qu’il faut laisser aux tierces parties le soin de regarder ce qu’on fait et d’évaluer si on est sur- ou sous-payé. La clé de ça, c’est d’avoir des gens de l’extérieur. Parce que c’est sûr qu’on ne peut pas demander aux élus de décider comment ils vont se faire payer.

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie

« La question d’apparence de conflit d’intérêts demeure un enjeu chaque fois que les conditions de travail des députés sont discutées. Leurs conditions sont fixées dans une loi et elles ne peuvent donc être modifiées que par les parlementaires eux-mêmes », rappellent les auteurs du rapport.

« La création d’un comité permanent ayant pour mandat de revoir périodiquement les conditions de travail des parlementaires pourrait sans aucun doute amoindrir cet enjeu et permettre aux parlementaires de conserver une plus grande distance avec cette question », ajoutent-ils, reprenant ainsi une recommandation formulée en 2013 par le Comité consultatif indépendant sur les conditions de travail et le régime de retraite des membres de l’Assemblée nationale qu’avait présidé la juge à la retraite de la Cour suprême du Canada Claire L’Heureux-Dubé.

La députée caquiste Marie-Louise Tardif a pour sa part dit mercredi qu’elle était « assez payée ». Elle a écarquillé les yeux lorsqu’on l’a informée de la proposition d’une hausse de 20 %. « Oh ! Je vais y penser ! C’est beaucoup ! »

Le Québec comparé à d’autres provinces

Plus en détail, l’indemnité annuelle de base d’un député est actuellement de 101 561 $. À cela s’ajoute une allocation de dépenses qui porte sa rémunération à 139 745 $. Dans la législature actuelle, seulement 10 députés sur 125 touchent ce salaire de base, puisqu’ils n’occupent aucune autre fonction rémunérée (président de commission, adjoint parlementaire, etc.). À titre comparatif, un élu à l’Assemblée législative de l’Ontario est payé 116 500 $ pour siéger à Queen’s Park, à Toronto.

« J’invite les citoyens à suivre les députés de l’Ontario et à suivre les députés du Québec. [Ils vont] voir une énorme différence quant à l’intensité du travail », a dit M. Ouellet.

Les deux ex-élus, qui ont travaillé au sein du comité avec Jérôme Côté, un « professionnel de la rémunération et de la gestion stratégique des ressources humaines », s’étonnent que l’indemnité annuelle de base des élus (101 561 $) soit inférieure à ce qu’obtient un attaché ou un conseiller politique, dont la rémunération maximale est de 106 126 $.

En comparant la rémunération de base des députés à celle des cadres des secteurs publics et parapublics, notent-ils, la rémunération des députés incluant l’allocation de dépenses, soit 139 745 $, se situe « tout juste après la rémunération octroyée aux cadres […] des Centres de services scolaires, [soit] 140 967 $ ».

« Si on veut attirer plus de talents, il faut s’assurer que les salaires soient compétitifs », a dit Mme Thériault.

Faisant passer la rémunération annuelle de base de 139 745 $ à 169 950 $, l’augmentation recommandée correspond à 21 %. Lise Thériault et Martin Ouellet jugent qu’elle devrait par ailleurs être appliquée de façon rétroactive à partir de l’exercice financier 2023-2024, puis indexée « de façon équivalente à toute révision et majoration du traitement de la classe 4 de la catégorie des premiers dirigeants, vice-présidents et membres d’un organisme du gouvernement ».

En plus de leur indemnité annuelle de base, de l’allocation de dépenses et des indemnités additionnelles lorsqu’ils occupent des fonctions parlementaires, les élus de l’Assemblée nationale ont accès à un régime d’assurances collectives, à une allocation de transition en fin de mandat et à un régime de retraite.