La mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, qui a révélé mardi être celle qui a été agressée sexuellement en 2017 par l’ancien péquiste Harold LeBel, dénonce le manque de soutien et de « solidarité » qu’elle a reçus à l’Assemblée nationale dans la foulée de cette affaire.

« Personne n’a rien dit, personne n’a vraiment posé de questions. J’ai senti un grand manque de solidarité à mon égard », explique Mme Fournier, l’émotion dans la voix, en entrevue avec La Presse.

Après la mise en accusation de M. LeBel, en décembre 2020, la jeune élue déplore ainsi que, malgré la « sensibilité » du secrétariat général de l’Assemblée, seuls quelques « aménagements » lui ont été proposés afin de ne pas croiser celui-ci dans le cadre de ses fonctions. M. LeBel avait reçu l’ordre de ne pas s’approcher de sa victime, mais pouvait continuer à siéger à l’Assemblée nationale.

« On m’a proposé par exemple d’alterner nos présences en personne, de changer son bureau d’endroit. Mais avec la COVID-19, finalement, il a pu faire son travail à distance », relate-t-elle.

Dès que j’ai été élue mairesse, il est revenu au Parlement sans que personne n’exprime de malaise ou quoi que ce soit.

Catherine Fournier, qui a été élue mairesse de Longueuil à l’automne 2021

Mme Fournier appelle maintenant à une discussion globale. « Je ne pense pas que l’Assemblée nationale a ouvert cette réflexion-là autour de ce qui doit être fait quand un député est accusé au criminel, surtout dans un cas d’agression sexuelle. Je suis consciente que c’est délicat, puisqu’il y a la présomption d’innocence qui est toujours importante, mais en même temps, des accusations formelles, ce n’est pas banal. Ça vient d’un rigoureux travail d’enquête », dit-elle.

Une ordonnance de non-publication interdisait aux médias de diffuser le nom de Mme Fournier, qui était députée péquiste au moment des faits. Celle-ci a été levée mardi à sa demande, la jeune élue disant vouloir « faire œuvre utile » et parler de son parcours. Ce qu’elle fait à travers un documentaire disponible ce mercredi, qui la suit dans son long et éprouvant parcours dans les coulisses du système judiciaire. Fin mars, devant la Cour supérieure, Catherine Fournier – qui n’était alors pas encore identifiée formellement – avait parlé de son choix de rendre publique son identité comme d’une « décision mûrement réfléchie ».

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« Pas une fonction comme une autre »

Catherine Fournier a été députée péquiste de 2016 à 2019, puis indépendante jusqu’à son élection comme mairesse de Longueuil, en 2021. Elle avait 25 ans au moment des faits. Harold LeBel, lui, en avait 55.

À ses yeux, il faut aujourd’hui à tout prix éviter que d’autres victimes ne se retrouvent dans la même situation. « Comme institution, il y a des questions à se poser. Il faut avoir un équilibre avec la présomption d’innocence, mais il doit clairement y avoir un protocole », insiste la mairesse, évoquant de possibles « suspensions » pour certains crimes ou délits faisant l’objet d’une enquête, par exemple.

Être député, ce n’est pas une fonction comme une autre. Il y a un code d’éthique assez fort, il faut être exempt de tout soupçon. Honnêtement, je ne pense pas que l’Assemblée a pris cette occasion-là pour vraiment creuser la question des protocoles. Ce serait important de le faire pour la suite.

Catherine Fournier, mairesse de Longueuil et ancienne députée péquiste

Mme Fournier milite d’ailleurs pour qu’un « répondant indépendant » soit mis en place pour accompagner les élus victimes d’agression, de harcèlement ou de toute forme d’inconduite, voire d’autres crimes. « J’avais déposé un projet de loi là-dessus à l’époque, en plaidant pour que ça relève du DGEQ [Directeur général des élections du Québec]. Ça serait important, pour aller au-delà de la culture du silence dans les partis, d’avoir un organisme externe. »

La peur de « foutre le trouble »

Avant l’arrestation d’Harold LeBel, Catherine Fournier affirme n’avoir pas rapporté son histoire au Parti québécois. « Je n’ai vraiment rien à reprocher au Parti québécois dans cette histoire-là. Je ne suis pas allée voir le chef ni la whip. […] J’avais peur qu’il y ait des conséquences pour moi au final, en devenant perçue comme celle qui était venue foutre le trouble au sein du caucus », relate-t-elle.

Lui, c’était une institution au sein du parti. Il était là depuis plus de 30 ans. C’était l’ami de tout le monde. Moi, j’étais la petite nouvelle. J’avais l’impression que les gens m’en voudraient.

Catherine Fournier, mairesse de Longueuil et ancienne députée péquiste

Elle souligne qu’avec le recul et la guérison entamée, elle réalise « que ce n’était pas fondé ». « En fait, je ne voulais pas déplaire à l’interne. Je cherchais juste à gagner de la crédibilité, à faire ma place dans ce parti, à vivre ma vie professionnelle sans être affectée par ça. Je n’avais pas envie de porter cette étiquette. »

Son histoire, poursuit Mme Fournier, « n’est probablement pas unique dans le monde politique, comme elle ne l’est pas dans bien d’autres milieux ». « Ceci étant dit, la politique a ceci de particulier qu’il y a de la promiscuité, dans le sens où tout le monde quitte son milieu d’origine pour siéger pendant trois jours. Ce sont de longues journées qui se prolongent souvent le soir autour d’un verre et d’un souper au restaurant, parce que tout le monde est à l’extérieur de son quotidien », confie-t-elle également.

Malgré cela, il demeure qu’une certaine « omerta » existe en politique, poursuit la mairesse. « Quand tu es à l’intérieur d’un parti, tu es plus prompt à garder le silence parce que tu ne veux pas nuire aux autres membres, et à toi-même dans une certaine mesure. Cette logique de garder la ligne au sein des partis, ça fait en sorte qu’il y a peut-être davantage une culture du silence autour de ces questions-là », note-t-elle.

La femme de 31 ans dit par ailleurs trouver « particulier » que le procès se soit tenu devant jury à Rimouski, dans la région d’Harold LeBel, « là où il est connu et où il bénéficie d’un rayonnement très fort ». « C’était quelqu’un d’apprécié et de reconnu, bien au-delà de l’allégeance politique, avec beaucoup de visibilité. Dans la salle de cour, c’était rempli de gens qui venaient appuyer Harold LeBel », se remémore-t-elle.

Résumé des faits

  • 20 octobre 2017 : Catherine Fournier se rend à Rimouski pour le travail avec une collègue. Elles sont hébergées chez Harold LeBel. Lors du procès, Mme Fournier témoigne que M. LeBel passe la nuit à lui faire des attouchements alors qu’elle restait immobile, incapable de dormir.
  • 11 mars 2019 : Catherine Fournier quitte le Parti québécois et devient députée indépendante.
  • Juillet 2020 : Catherine Fournier porte plainte à la police.
  • 15 décembre 2020 : Harold LeBel est arrêté. Il est exclu du caucus péquiste.
  • 7 novembre 2022 : Début du procès devant jury. Dans les jours qui suivent, Catherine Fournier raconte la « nuit interminable » qu’elle a vécue, tandis qu’Harold LeBel rejette en bloc les faits qui lui sont reprochés.
  • 23 novembre 2022 : Harold LeBel est déclaré coupable d’agression sexuelle.
  • 26 janvier 2023 : Harold LeBel est condamné à huit mois de prison. Il est libéré le 22 mars après avoir purgé le quart de sa peine. Il dit avoir des regrets sincères et croire totalement la version de sa victime.