(Ottawa ) Deux grands syndicats de policiers du Québec demandent au ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino, de revenir à la charge pour interdire les armes d’assaut de façon permanente tout en évitant d’inclure des armes de chasse dans le lot. Le gouvernement fédéral compte déposer de nouveaux amendements en ce sens d’ici la fin du mois, a appris La Presse.

Ils seront « plus simples à comprendre », a indiqué l’attachée de presse du ministre Mendicino, Audrey Champoux. « J’espère que les gens vont sentir qu’on les a écoutés », a-t-elle ajouté.

Le gouvernement avait causé la surprise en février en retirant deux amendements controversés qui ajoutaient une interdiction des armes d’assaut au projet de loi C-21 sur le contrôle des armes à feu. Le geste avait été bien accueilli par tous les principaux partis de l’opposition.

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Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino

Le ministre Mendicino donnera davantage de détails sur les intentions du gouvernement lorsqu’il témoignera devant le comité permanent de la sécurité publique de la Chambre des communes. Son passage est prévu la semaine prochaine, mais la date n’a pas encore été fixée.

« On sait que des armes de style assaut qui ont été utilisées dans des tueries de masse à travers le pays n’ont pas leur place au Canada, mais on peut faire ça sans s’attaquer aux droits, aux chasseurs et aux fermiers qui ont des fusils de chasse », a réitéré le premier ministre, Justin Trudeau, jeudi lors de son passage en Saskatchewan.

Les nouveaux amendements contiendraient une définition des armes d’assaut qui seraient interdites par la voie législative. Déjà environ 1900 modèles sont prohibés par décret. On ne sait pas pour l’instant si ces amendements incluraient une liste de modèles interdits comme les précédents.

Cette liste de plus de 300 pages avait semé la confusion et mené à une levée de boucliers. Outre les modèles déjà interdits, elle incluait le SKS, une arme de style militaire fréquemment utilisée par les chasseurs et par les Autochtones.

Le gouvernement compte inclure certaines des recommandations de la Commission des pertes massives, qui s’est penchée sur la tuerie de Portapique en Nouvelle-Écosse. Elle suggérait notamment de réformer le système de classification des armes à feu et de développer une liste standardisée d’armes prohibées, simple et cohérente. Elle proposait également d’interdire l’utilisation d’un chargeur de plus de cinq balles dans le Code criminel.

« Une politique essentielle »

La Fraternité des policiers et policières de Montréal et l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec (APPQ) demandent à leur tour que les chargeurs à grande capacité soient interdits. La Presse a obtenu une copie des lettres que les deux syndicats ont fait parvenir au ministre Mendicino le mois dernier.

« Au nom des policiers et policières de Montréal, la présente vise à vous réitérer notre position voulant que les armes à feu de style assaut devraient être proscrites et que prohiber de telles armes, de type militaire, représente une politique essentielle à mettre en œuvre », écrit le président de la Fraternité, Yves Francœur, dans sa lettre datée du 22 mars.

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Le président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, Yves Francœur

Il fait valoir que ces armes « compromettent manifestement et inutilement la sécurité du public ainsi que celle » de ses 4500 membres.

« Par conséquent, il importe que lesdites armes soient extrêmement bien définies afin de véritablement les interdire, sans toutefois prohiber celles qui sont raisonnablement utilisées pour la chasse », poursuit-il.

La lettre du président de l’APPQ, Jacques Painchaud, datée du 10 mars, adopte un ton similaire. Celui-ci souligne que ses 5800 membres « risquent un jour ou l’autre de se retrouver confrontés à ce type d’arme d’assaut dans l’exercice de leurs fonctions, comme ce fut malheureusement le cas pour les deux policiers ontariens assassinés en octobre 2022 ».

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Le président de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec, Jacques Painchaud

Il met en garde le gouvernement d’inclure des armes « raisonnablement utilisées pour la chasse » dans une nouvelle définition d’armes prohibées.

« Nous vous invitons donc à la plus grande clarté possible à cet égard afin d’éviter que des groupes proarme ne puissent profiter de la confusion pour désinformer la population et ainsi saboter un projet de loi qui est nécessaire, souhaitable et dans l’intérêt supérieur de l’ensemble des citoyens canadiens », écrit-il.

La désinformation véhiculée par la Coalition canadienne pour le droit des armes à feu (CCDAF) a été dénoncée par le groupe PolySeSouvient, qui milite pour l’interdiction des armes d’assaut.

Les deux syndicats de policiers enjoignent également au gouvernement fédéral de mieux financer la lutte contre les armes illégales, « une épidémie qui fait des ravages et insécurise grandement la population de Montréal et du Canada », souligne Yves Francœur.

Jacques Painchaud écrit que « […] l’interdiction de certaines catégories d’armes n’est pas une panacée pour l’utilisation des armes en général par le milieu criminel comme les gangs de rue, un phénomène qui nécessite plutôt des interventions policières musclées soutenues par des ressources adéquates ».

Il appelle Ottawa à « financer davantage » la Gendarmerie royale du Canada, l’Agence de services frontaliers et les corps de police des villes frontalières.