(Ottawa) Les audiences en Cour fédérale sur le recours historique à la Loi sur les mesures d’urgence il y a plus d’un an se sont ouvertes lundi avant-midi. L’Association canadienne des libertés civiles (ACLC) conteste l’usage de cette législation d’exception qui a mis fin au « convoi de la liberté » en février 2022.

L’avocat du gouvernement fédéral, David Aaron, a plaidé que la cause ne devrait même pas être entendue par la Cour étant donné qu’il s’agissait de circonstances exceptionnelles qui ont peu de chances de se reproduire. Il a également fait valoir que la commission Rouleau a déjà étudié la question et qu’un comité parlementaire conjoint l’examine toujours. Ces deux garde-fous sont prescrits par la loi.

Dans son volumineux rapport, le juge Paul Rouleau avait conclu « à contrecœur » en février que le gouvernement Trudeau avait eu raison de recourir à la Loi sur les mesures d’urgence pour mettre fin au « convoi de la liberté » et aux blocages de postes frontaliers ailleurs au pays. Il avait émis 56 recommandations, dont celle de moderniser la définition de l’état d’urgence dans cette législation. Il suggérait de changer la définition de menace à la sécurité nationale pour mieux saisir les situations qui pourraient poser « un risque grave pour l’ordre public » aujourd’hui et à l’avenir. La définition actuelle est la même que celle utilisée par le Service canadien du renseignement de sécurité pour déterminer s’il peut mettre une personne sous écoute.

L’ACLC estime plutôt que le gouvernement n’a pas réussi à démontrer que la manifestation de camionneurs qui a paralysé le centre-ville d’Ottawa durant trois semaines constituait à la fois une menace à la sécurité nationale et une urgence nationale. Par conséquent, elle affirme que le seuil pour recourir à la Loi sur les mesures d’urgence n’a pas été atteint. Le gouvernement Trudeau y avait eu recours dans le but de mettre fin à ces manifestations contre l’obligation vaccinale pour les camionneurs et les autres mesures sanitaires imposées durant la pandémie.

Trois autres groupes contestent également l’utilisation de la Loi sur les mesures d’urgence parce qu’ils estiment que le gouvernement n’aurait pas dû recourir à cette législation de dernier recours. Il s’agit de la Canadian Constitution Foundation, un organisme à but non lucratif dont la mission est de défendre les droits constitutionnels des Canadiens ; Canadian Frontline Nurses qui s’est opposé à l’obligation vaccinale durant la pandémie et qui avait organisé plusieurs manifestations devant des hôpitaux ; et quatre participants du convoi de la liberté dont le recours est financé par le Justice Centre for Constitutional Freedoms.

Le gouvernement du Canada s’oppose à la participation de Canadian Frontline Nurses et sa cofondatrice, Kristen Nagle, ainsi que deux des manifestants. MAaron a fait valoir qu’ils n’avaient pas été directement touchés par les pouvoirs extraordinaires accordés en vertu de la Loi sur les mesures d’urgence, comme le gel de comptes bancaires.

Les audiences de la Cour fédérale doivent s’échelonner sur trois jours, mais le juge a déjà indiqué qu’il comptait prendre sa décision sur la participation de ce groupe et de ces individus à la contestation judiciaire en délibéré.

La Loi sur les mesures d’urgence a remplacé la Loi sur les mesures de guerre en 1988. Elle permet au gouvernement de déclarer l’état d’urgence avant de s’accorder des pouvoirs extraordinaires par décret, qui peuvent être par la suite confirmés ou rejetés par le Parlement.

Lors du convoi de la liberté, le gouvernement avait notamment interdit les assemblées publiques nuisibles à la circulation, au commerce et aux infrastructures essentielles ; permis aux institutions financières de geler les comptes bancaires des participants ; et ordonné aux compagnies de remorquage d’enlever les camions bloquant les rues. Un électrochoc qui a mené à la plus grande opération policière de l’histoire du pays.

L’état d’urgence avait été maintenu pendant 10 jours avant d’être révoqué après le départ des manifestants.