(Québec) Les transferts d’argent en santé viennent à nouveau semer la zizanie entre Ottawa et Québec. Le ministre fédéral de la Santé a annoncé vendredi retrancher des dizaines de millions de dollars aux provinces en raison de leur recours au privé, une approche « décevante », selon son homologue au Québec Christian Dubé.

À peine un mois après que les provinces aient accepté l’offre « insuffisante » – à leur sens – d’Ottawa pour les transferts en santé, le ministre fédéral de la Santé Jean-Yves Duclos jette un nouveau pavé dans la mare.

Il retranchera 82 millions à sept provinces pour des violations à la Loi canadienne sur la santé, dont 42 millions au Québec.

Cette somme correspond à ce que le gouvernement fédéral estime que les Québécois ont payé de leur poche. Elle pourra être récupérée si la province apporte des correctifs.

« La Loi canadienne sur la santé est claire : personne au Canada ne devrait avoir à payer de sa poche des services médicalement nécessaires, a lancé M. Duclos par communiqué vendredi. Les mesures adoptées par les provinces et les territoires sont certes pertinentes, mais des efforts supplémentaires doivent être consentis pour garantir que les patientes et les patients n’aient rien à payer lorsqu’ils reçoivent des services de santé couverts par l’assurance maladie. »

Une ingérence du fédéral dans les compétences provinciales en santé, estime le ministre Christian Dubé. « On n’ira pas négocier quoi que ce soit », tranche-t-il en entrevue avec La Presse.

Selon lui, si les Québécois ont recours au secteur privé, c’est parce que les services au public ne sont pas à la hauteur. « ​​Si [le fédéral] veut nous aider, ça nous prend de l’argent supplémentaire, c’est pour ça qu’on en demandait plus », rappelle-t-il.

Québec demandait à Ottawa un transfert de 6 milliards par année. Il a obtenu un milliard, soit six fois moins qu’espéré.

« Et en plus, [le ministre Duclos] dit : je vais vous en enlever parce que vous ne répondez pas à certaines conditions », dénonce M. Dubé. Une position qui ne va pas du tout « dans la bonne direction », s’indigne-t-il.

Trop de privé au Québec ?

Avec la pandémie, il y a eu une augmentation de nouveaux frais facturés aux patients, notamment pour l’accès à la télémédecine, a noté le ministre Duclos vendredi.

Un rapport de L’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) rendu public à la mi-janvier allait notamment en ce sens.

Christian Dubé rappelle qu’une nouvelle entente réalisée en décembre permet désormais aux omnipraticiens et aux médecins spécialistes du Québec de pratiquer la télémédecine. « Au public, ce qui n’était pas permis avant », souligne-t-il.

À son sens, le secteur privé devait être sollicité pour « être complémentaire » avec le secteur public, car cela permet d’offrir plus de soins à la population.

« Nos ententes avec certaines cliniques médicales privées durant la pandémie, qui ont permis de faire plus de 150 000 chirurgies gratuitement aux Québécois, en sont un bon exemple », a-t-il soutenu dans une déclaration écrite à La Presse Canadienne.

Le recours aux agences privées dans le secteur public pourrait aussi être encadré en vertu du nouveau projet de loi déposé par M. Dubé, qui sera bientôt discuté en commission parlementaire.

« Ce qu’on veut, c’est un système universel, réitère le ministre. On veut que les gens, quand ils utilisent le privé, que ça ne leur coûte rien. Mais je ne peux pas les empêcher d’aller au privé en ce moment, quand ils n’ont pas le niveau de qualité qu’ils devraient avoir [au public]. »

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