(Ottawa) Un comité de la Chambre des communes assignera à comparaître les hauts dirigeants de Google dans le cadre d’une étude portant sur la décision du géant du web de bloquer les contenus journalistiques de sa plateforme au Canada.

Les députés qui siègent au Comité permanent du patrimoine canadien ont unanimement entériné mardi une motion déclenchant un tel examen.

Le président et directeur général de Google, Sundar Pichai, sera convoqué, de même que Kent Walker, président des affaires mondiales et chef des affaires légales pour l’entreprise. La vice-présidente et dirigeante de Google au Canada, Sabrina Geremia, figure aussi sur la liste des représentants à être assignés à comparaître.

La motion prévoit que le témoignage des dirigeants de la plateforme numérique aura lieu lundi prochain durant deux heures.

Une assignation à comparaître devant un comité parlementaire signifie que toute personne en faisant l’objet et se trouvant au Canada doit s’y conformer. Cela est donc différent d’une invitation à témoigner en comité à laquelle l’individu visé répondrait volontairement par l’affirmative.

« Dans la pratique, on reconnaît quelques limitations au pouvoir d’ordonner la comparution d’individus. Puisque ses pouvoirs sont sans effet à l’extérieur du territoire canadien, un comité ne peut sommer à comparaître un individu qui se trouve à l’étranger », peut-on toutefois lire dans les règles de procédure de la Chambre des communes.

Bien des représentants de Google ne sont pas établis au Canada, le siège social de la société étant aux États-Unis.

Appelée à réagir à la demande du comité, la société n’a pas voulu indiquer à La Presse Canadienne si ses dirigeants allaient accepter de témoigner. « Nous répondrons directement au comité », a répondu par courriel un porte-parole de Google.

Demande d’obtention de documents

Le comité du patrimoine examinera la décision de Google de bloquer les actualités de son interface, mais ira plus loin dans son examen.

La motionadoptée mardiexige que le géant du web fournisse aux élus fédéraux des copies de toute « communication interne ou externe incluant, mais ne se limitant pas aux courriels et messages textes […] en lien avec les actions prévues ou les options considérées relativement au projet de loi canadien C-18 ».

La semaine dernière, Google a confirmé à La Presse Canadienne qu’il allait limiter l’accès aux nouvelles sur son moteur de recherche à moins de 4 % de ses utilisateurs canadiens. Le géant technologique expliquait qu’il s’agissait d’un test de courte durée en réponse au projet de loi C-18 sur les nouvelles en ligne proposé par le gouvernement libéral, auquel il s’oppose.

Le projet de loi, présentement à l’étude au Sénat, obligerait les géants du numérique tels que Google et Meta, qui possède Facebook et Instagram, à négocier des accords pour indemniser les entreprises de médias canadiennes pour l’affichage ou la fourniture de liens vers leur contenu d’actualités.

Les membres du comité libéraux, néo-démocrates et bloquistes – lesquels ont demandé d’urgence la tenue de la rencontre de mardi – affirment que Google tente d’intimider le processus parlementaire au Canada en menaçant de censurer les nouvelles sur sa plateforme.

« C’est un acte irresponsable et il est temps que les dirigeants de Google soient amenés à expliquer leurs actions », a dit le leader parlementaire néo-démocrate, Peter Julian, peu de temps avant que les élus se prononcent sur la motion.

Le libéral Chris Bittle, qui est secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine, a renchéri en affirmant qu’il est « troublant » que Google décide de limiter l’accès aux contenus d’actualités, considérant que Meta a fait marche arrière à ce chapitre en Australie.

En effet, cette entreprise a eu ce réflexe quand l’Australie est allée de l’avant avec une loi similaire à celle qu’Ottawa souhaite adopter, mais a fini par rétropédaler.

Le bloquiste Martin Champoux a dit trouver « extrêmement préoccupants » les agissements de Google. « Moi, je veux savoir rapidement quelles sont les raisons réelles de cette opération-là parce que ça me semble beaucoup plus de l’intimidation que de la stratégie d’affaires. »

Vendredi dernier, le premier ministre Justin Trudeau n’avait pas mâché ses mots pour dénoncer l’approche de Google.

« Je pense que c’est extrêmement surprenant que Google préfère empêcher les Canadiens d’accéder aux nouvelles plutôt que de vouloir payer les journalistes pour le travail qu’ils font en tant que professionnels. C’est vraiment désolant », avait-il lancé.

Les grandes entreprises de médias traditionnels ont fait l’éloge du projet de loi C-18, affirmant qu’il créera des conditions de concurrence équitables avec Google et Facebook, qui sont en compétition avec elles pour attirer le marché publicitaire.

Les entreprises technologiques et les conservateurs ont critiqué le projet de loi, arguant qu’il offre une mauvaise approche pour améliorer le journalisme. Malgré leur opposition à la pièce législative, les conservateurs ont donné leur approbation à l’étude parlementaire sur le blocage de Google.

Par le passé, Google a déclaré qu’elle préférerait payer les médias canadiens par le biais d’un fonds plutôt que d’être réglementée par le gouvernement.

« Nous restons déterminés à soutenir un avenir durable pour les nouvelles au Canada et à offrir des solutions qui corrigent le projet de loi C-18 », a soutenu un porte-parole de Google, Shay Purdy, dans une déclaration écrite transmise la semaine dernière.

Avec des informations de Mickey Djuric

Plusieurs médias ont déjà conclu des ententes avec Google et Meta. Ces dernières sont demeurées confidentielles. La Presse Canadienne a d’ailleurs un partenariat avec Meta depuis 2020 pour un programme visant à fournir une dizaine de bourses par année à de jeunes journalistes en début de carrière.

– Avec des informations de Mickey Djuric