Les conservateurs exigent un témoignage de la cheffe de cabinet de Justin Trudeau sur les allégations d’ingérence chinoise dans les élections fédérales

Les conservateurs demandent à nouveau que la cheffe de cabinet de Justin Trudeau, Katie Telford, comparaisse « immédiatement » devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre (PROC), dans la foulée de nouvelles révélations quant aux allégations d’ingérence de la Chine durant les élections fédérales de 2021.

« Chaque allégation dans cette histoire d’ingérence électorale du Parti communiste chinois est plus choquante que la précédente », a martelé dimanche le député de St. Albert-Edmonton, Michael Cooper, dans un communiqué.

Il réagissait ainsi à un reportage de Global News, paru vendredi en soirée, qui affirmait, en citant des sources anonymes, que le député libéral Han Dong, élu dans Don Valley-Nord à Toronto, aurait « reçu l’aide du consulat chinois à Toronto pour devenir le candidat libéral de 2019 dans la circonscription ».

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE HAN DONG

Le député libéral de Don Valley-Nord, Han Dong

Citant une « combinaison de documents » du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et de sources, Global News affirme que « le consulat aurait envoyé deux bus remplis de personnes âgées sino-canadiennes à la réunion de nomination libérale de Don Valley-Nord, et que ces personnes âgées savaient pour qui voter parce que le nom de Dong était écrit sur leur bras ». Des étudiants chinois auraient aussi été forcés de voter pour le candidat pour « conserver leur visa ».

Selon le média, des signalements auraient été faits par le SCRS au Parti libéral en septembre 2019, mais la candidature de Han Dong a tout de même été approuvée.

Il serait plus qu’outrageant que le premier ministre soit informé que l’un de ses candidats libéraux a été compromis par le Parti communiste chinois et qu’il refuse catégoriquement de faire ce qui s’impose.

Michael Cooper, député conservateur de St. Albert-Edmonton, dans un communiqué

M. Cooper juge qu’il est « crucial pour la confiance dans notre démocratie que nous sachions ce que Justin Trudeau et son gouvernement savaient, et quand ».

La principale collaboratrice du premier ministre, la cheffe de cabinet Katie Telford, « doit donc se présenter devant le Comité pour nous dire ce qu’elle sait », conclut-il.

Le cabinet du premier ministre Justin Trudeau n’a pas souhaité commenter la situation, dimanche. Le Bureau du Conseil privé a néanmoins indiqué qu’un rapport du groupe chargé de signaler les incidents d’ingérence étrangère lors des élections fédérales de 2021 est maintenant terminé et a été envoyé au cabinet du premier ministre et au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Une version publique et non classifiée du rapport est en cours de finalisation et sera bientôt disponible, mais aucune échéance précise n’a encore été donnée.

Une vaste enquête en cours

Rappelons que les membres du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre des communes ont voté mardi à l’unanimité pour une motion des conservateurs, qui vise justement à élargir l’enquête en cours sur le dossier de l’ingérence étrangère durant les élections fédérales de 2019.

La motion visait d’abord à faire la lumière sur les informations rapportées la semaine dernière par le quotidien The Globe and Mail selon lesquelles la Chine aurait utilisé une stratégie raffinée durant la campagne électorale de 2021 afin d’assurer la réélection d’un gouvernement libéral minoritaire dirigé par Justin Trudeau et de défaire des candidats conservateurs jugés hostiles au régime communiste chinois.

Selon le quotidien, le Parti communiste chinois « faisait pression sur ses consulats pour qu’ils créent des stratégies visant à tirer parti des membres et des associations de la communauté chinoise à des fins politiques au sein de la société canadienne ».

Dans leur motion, les députés conservateurs avaient déjà demandé à convoquer Katie Telford. Justin Trudeau et un ancien ministre des Affaires étrangères auraient aussi été convoqués.

La bloquiste Marie-Hélène Gaudreau avait alors offert son appui, mais les convocations de Mme Telford et de M. Trudeau ont finalement été retirées, après qu’une proposition d’amendement du libéral Greg Fergus eut été adoptée. La demande des conservateurs d’obtenir des documents de divers ministères concernant l’ingérence étrangère a aussi été biffée.

Samedi, La Presse rapportait que la Chine était passée maître dans l’art de s’ingérer insidieusement dans les élections au Canada, et qu’il serait quasi impossible de contrer toute forme d’ingérence de Pékin lors des prochaines élections fédérales au pays⁠1, selon un ancien député conservateur de la Colombie-Britannique.

Le premier ministre Justin Trudeau, lui, a assuré plus tôt que les électeurs canadiens avaient été les seuls à déterminer l’issue du scrutin de 2021. « La Chine, entre autres, est en train d’essayer de s’ingérer dans nos processus démocratiques. […] Ça fait des années qu’on est conscients de ça au Canada et dans le monde. Et c’est pour ça que nos agences de sécurité et de renseignement travaillent de façon acharnée pour contrer cette influence de façon régulière », a-t-il soutenu la semaine dernière.

Avec Joël-Denis Bellavance, La Presse, et La Presse Canadienne

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