(Québec) Dans la foulée d’allégations d’initiations violentes dans le monde du hockey junior, le gouvernement Legault pourrait profiter du dépôt d’un projet de loi ce printemps visant à réformer la sécurité dans le sport afin de donner plus de mordant à l’Officier des plaintes. Ce poste indépendant, créé en 2020, gère un nombre croissant de cas d’abus et de harcèlement dénoncés par les athlètes.

À la demande de Québec solidaire (QS), dans une démarche qui est depuis devenue transpartisane, les députés entendront mercredi en commission parlementaire les représentants du hockey junior et du réseau sportif étudiant afin de faire la lumière sur les allégations d’initiations violentes perpétrées au cours des dernières décennies.

« Le momentum est là. Les gens savent que les parlementaires s’y intéressent. Des langues commencent à se délier. Des gens racontent des choses. Je pense qu’on se lance dans un processus qui pourrait, si on le fait correctement, nous mener à des solutions et à des protocoles constructifs », espère le député solidaireVincent Marissal.

Le mandat d’initiative qu’il a déposé a depuis été bonifié par le député libéral Enrico Ciccone, qui souhaitait l’élargir à l’extérieur du monde du hockey junior.

« Ce n’est pas seulement un phénomène du hockey. Ça se passe aussi dans le sport scolaire. C’est un phénomène sportif », affirme M. Ciccone. Avec l’appui du gouvernement, les députés recevront donc mercredi les représentants de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), de la Ligue canadienne de hockey (LCH), de Hockey Québec et du Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ).

Si certains parlaient d’une omerta dans le monde du hockey, « ce n’est pas une question d’omerta », ajoute le député libéral et ancien joueur dans la LNH.

Ce qui est dangereux et terrible dans ça, c’est que c’était considéré comme normal. Ça faisait partie de la game, comme un passage obligé ».

Enrico Ciccone, député libéral et ancien joueur dans la LNH

L’Université McGill, qui a géré par le passé des scandales similaires d’initiations violentes impliquant des équipes de basketball et de football, a refusé l’invitation à venir témoigner en commission parlementaire, déplore Vincent Marissal. Ce dernier proposera de remplacer l’institution universitaire par l’Officier des plaintes.

« Profitons que c’est assez neuf [comme institution] pour bien l’enligner plutôt que de se rendre compte dans dix ans que c’est une autre patente qui ne sert à rien ou qui a pris de mauvaises habitudes. S’il y a du fine tuning, c’est le temps de le faire », affirme-t-il.

« On s’attend à ce que les groupes attendus [mercredi en commission parlementaire] fournissent des réponses claires aux parlementaires. Évidemment, on voudra un plan d’action clair avec reddition de comptes sur la mise en œuvre pour améliorer la situation », ajoute Pascal Bérubé du Parti québécois (PQ).

« Tout est sur la table »

Depuis que le scandale a éclaté plus tôt ce mois-ci, lorsque les détails entourant les allégations d’initiations violentes dans le hockey junior au pays ont été dévoilés dans un jugement de la Cour supérieure de l’Ontario, la ministre responsable du Sport, Isabelle Charest, n’a pas hésité à critiquer les organisations qui entretiennent, selon elle, un climat toxique.

Le gouvernement Legault a mis en place en 2020 de nouvelles mesures pour gérer les cas d’abus et de harcèlement dans le sport. Il a créé un Officier indépendant pour traiter les plaintes des athlètes. Auparavant, chaque fédération sportive traitait les plaintes de manière différente. Déjà, Québec envisage de donner plus de mordant à l’Officier.

« On a une réflexion, qui était déjà en cours, pour lui donner davantage de mordant », indique Nadia Talbot, directrice de cabinet de la ministre Isabelle Charest. « Tout est sur la table pour l’améliorer », dit-elle. La commission parlementaire de mercredi, où seront entendus les dirigeants de la LHJMQ entre autres, alimentera la réflexion de Mme Charest.

Pour sa première année en fonction, entre le 1er février 2021 et le 1er février 2022, l’Officier a traité 127 plaintes. Dès la deuxième année, du 1er février 2022 au 1er février dernier, ce nombre a augmenté à 361 cas. Au total, plus de 40 % des plaintes ont été jugées recevables. Celles qui ne l’étaient pas étaient rejetées au motif qu’elles concernaient une décision d’arbitrage durant un match, qu’elles visaient des règles de régie interne ou d’un manquement au code de conduite, ou bien qu’elles étaient anonymes.

Le Québec est la première province à nommer un officier indépendant.

Lors d’une rencontre fédérale-provinciale vendredi, la ministre fédérale des Sports, Pascale St-Onge, a d’ailleurs incité les neuf provinces et territoires qui n’ont toujours pas un tel mécanisme à emboîter le pas.

La ministre Charest déposera ce printemps un projet de loi visant à réformer la sécurité dans le sport. Ce projet de loi est dans les cartons depuis quelques mois déjà, mais il pourrait être bonifié en fonction des constats de la commission parlementaire, estime Nadia Talbot.

Le 3 février dernier, un juge de la Cour supérieure de l’Ontario a rejeté une demande d’action collective qui avait été déposée par trois plaignants au nom des 15 000 joueurs ayant évolué depuis 50 ans dans l’une des équipes de la Ligue junior de l’Ouest (WHL), de la Ligue junior de l’Ontario (OHL) ou de la LHJMQ. Le juge a refusé de recevoir l’action collective pour des raisons techniques, mais il n’a pas remis en doute la véracité des témoignages. On y décrit entre autres des actes liés à des joueurs mineurs qui font état de bâtons insérés dans l’anus, de mutilation génitale et de victimes humiliées en étant aspergées d’urine ou d’excréments.