(Ottawa) Le gouvernement Legault presse Ottawa d’insérer dans le projet de loi C-11 qui vise à moderniser la Loi sur la radiodiffusion un mécanisme de consultation obligatoire du Québec pour s’assurer que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) protège la spécificité culturelle québécoise.

Le ministre de la Culture et des Communications du Québec, Mathieu Lacombe, a envoyé une lettre de trois pages à ce sujet au ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, au moment où les élus à Ottawa entreprennent essentiellement les dernières étapes de l’étude du projet de loi C-11.

En plus de moderniser la Loi sur la radiodiffusion, le projet de loi C-11 vise à mettre à jour les règles de diffusion du Canada pour intégrer la présence sur le marché des géants de la diffusion en ligne tels que YouTube, Netflix et Spotify. Cette réforme les obligerait à contribuer au contenu canadien et à le rendre accessible aux utilisateurs au pays – sous peine de lourdes sanctions.

Il y a deux semaines, le Sénat a adopté le projet de loi en y apportant une dizaine d’amendements. Le projet de loi amendé doit donc être de nouveau étudié et adopté par la Chambre des communes avant d’obtenir la sanction royale.

Or, Québec croit qu’il existe de graves lacunes dans la dernière mouture du projet de loi. Au premier rang, l’absence d’un mécanisme de consultation formel du gouvernement du Québec avant que le CRTC n’adopte les règlements touchant les plateformes numériques.

C’est du moins ce que plaide le ministre Lacombe dans sa lettre datée du 4 février qu’il a expédiée au ministre Rodriguez.

« Il est essentiel, tant dans le projet de loi C-11 que lors de sa mise en œuvre par le CRTC, que la spécificité culturelle du Québec et la réalité propre au marché de langue française soient adéquatement considérées. Je réitère à ce titre notre exigence qu’un mécanisme de consultation obligatoire et officiel du gouvernement du Québec soit prévu dans la Loi à cet effet », a écrit le ministre Lacombe.

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Le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe

Le Québec doit toujours avoir son mot à dire avant que des instructions soient données au CRTC pour orienter son action en vertu de cette loi lorsque ses interventions sont susceptibles de toucher des entreprises offrant des services au Québec ou d’avoir un impact sur le marché québécois.

Extrait de la lettre de Mathieu Lacombe, ministre de la Culture et des Communications du Québec

« Nous estimons primordial d’avoir un droit de regard sur ces instructions, le Québec étant le foyer de la langue française et de la culture francophone en Amérique », a-t-il argué.

Amendements à l’étude

Le ministre Lacombe s’inquiète aussi de la portée d’un amendement au projet de loi adopté par le Sénat. Selon lui, cet amendement qui a été proposé par le sénateur René Cormier ne permet pas de s’assurer que les entreprises en ligne soient assujetties aux lois du Québec en ce qui a trait au statut de l’artiste. Cet amendement doit absolument être clarifié.

« Nous sommes d’avis que cet amendement […] n’atteint pas complètement les fins de clarification visées et ne reflète plus le principe que les entreprises en ligne sont, de manière générale, assujetties aux lois du Québec et des provinces sur le statut de l’artiste. La référence au Code canadien du travail ne nous semble en effet pas suffisante pour dissiper les doutes quant aux obligations des entreprises en ligne », a signalé le ministre.

Il y a une dizaine de jours, le ministre Rodriguez a fait savoir qu’il espère que la Chambre des communes adoptera le projet de loi rapidement après avoir examiné les amendements proposés par le Sénat.

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Le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez

Durant l’étude de C-11, les sénateurs ont apporté des changements visant à protéger le contenu généré par les utilisateurs et à promouvoir des langues autochtones et des créateurs de contenu noirs.

Ils ont également inclus un amendement qui interdirait à Radio-Canada/CBC de produire du contenu commandité. Un autre amendement viendrait obliger les entreprises à vérifier l’âge des utilisateurs avant qu’ils n’accèdent à du matériel sexuellement explicite.

Le ministre du Patrimoine canadien a aussi indiqué que le gouvernement Trudeau n’entendait pas accepter tous les amendements du Sénat. Mais il n’a pas précisé lesquels pourraient être écartés.

Les demandes formulées par le gouvernement Legault dans la lettre envoyée par le ministre Lacombe pourraient entraîner d’autres délais. Mais M. Lacombe a fait savoir que Québec tient mordicus à ces changements.

« Bien que le Québec souhaite que l’adoption et la mise en œuvre de ce projet de loi soient effectuées le plus rapidement possible, nous sommes d’avis qu’il doit l’être dans des conditions qui permettent d’assurer le respect des compétences législatives du Québec et que ces conditions ne sont actuellement pas réunies », a-t-il écrit dans sa lettre.