(Québec) Le premier ministre François Legault invite les Québécois à « tenir compte » de l’offre insuffisante du gouvernement Trudeau sur les hausses des transferts en santé aux prochaines élections fédérales. Il assure que ce nouveau revers ne compromet pas le déploiement du Plan santé du ministre Christian Dubé.

Accusé par ses adversaires de « s’écraser » devant Justin Trudeau, François Legault a affirmé mercredi que le prochain levier pour augmenter les transferts fédéraux en santé aux provinces sera les futures élections fédérales, prévues au plus tard en 2025.

« Honnêtement, c’est l’élection fédérale et la priorité que les Québécois et les Canadiens voudront mettre en santé », a répondu M. Legault, interrogé sur son rapport de force devant Ottawa. « Il faut que les Canadiens et les Québécois comprennent que ça n’a pas de bon sens, ce que fait le fédéral, et le fédéral doit faire sa juste part », a ajouté le premier ministre.

Ce que je dis, c’est que ce n’est pas acceptable. Les Québécois doivent en tenir compte.

François Legault, premier ministre du Québec

Son message n’est pas sans rappeler celui lancé en septembre 2021, en pleine campagne électorale fédérale, où il avait appelé de ses vœux un gouvernement conservateur minoritaire. M. Legault avait appelé les nationalistes québécois à notamment se méfier de Justin Trudeau, dont le programme est « dangereux ».

Mercredi, le chef conservateur Pierre Poilievre a affirmé qu’un gouvernement dirigé par son parti « maintiendrait les sommes additionnelles et respecterait les engagements pris [mardi] ».

Pas la fin des négociations ?

Le premier ministre Legault se défend de jeter l’éponge, mais ne précise pas pour l’instant s’il a l’intention d’accepter l’offre sur la table. Justin Trudeau a laissé entendre que l’offre était finale et que la « marge de manœuvre » résiderait dans les ententes bilatérales qu’il veut conclure avec les provinces.

M. Legault dit d’ailleurs vouloir « protéger » ce front commun pour « demander plus » au gouvernement fédéral. Une rencontre doit se tenir dans les prochains jours avec ses vis-à-vis du Conseil de la fédération pour déterminer un plan de match pour la suite.

Il donne néanmoins l’indication qu’il veut encaisser dès maintenant la part qui reviendrait au Québec pour l’année à venir alors que le ministre des Finances, Eric Girard, rédige son prochain budget. Du même souffle, il assure que les sommes nécessaires au Plan santé du ministre Christian Dubé seront malgré tout investies.

J’aime mieux avoir le 1 milliard, qu’on le mette dans le budget. [...] C’est juste que ça va être plus difficile quand on va regarder l’équilibre des finances publiques au Québec. Donc évidemment, ça va affecter notre déficit pour le Québec.

François Legault, premier ministre du Québec

En prévision du prochain budget, le ministre des Finances a aussi confirmé que « les sommes nécessaires à l’exécution du plan [de Christian Dubé] sont prévues ».

Le ministre Christian Dubé s’est pour sa part dit « très déçu » des sommes proposées par Ottawa. « En même temps, on va continuer de mettre en œuvre notre plan de santé », a-t-il indiqué, expliquant que ses visées ne sont pas compromises. « Je pense qu’on est capables de s’organiser », a-t-il dit.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Christian Dubé

Les provinces réclamaient une hausse des transferts en santé de 28 milliards par année. Le gouvernement Trudeau leur a offert mardi une hausse moyenne de 4,6 milliards par année. De cette enveloppe, le Québec obtiendrait quelque 9 milliards de plus si l’entente proposée est acceptée. C’est six fois moins que ce qui était demandé.

Le seul véritable gain des provinces touche la hausse annuelle des transferts en santé. Elle serait fixée à 5 % pour une période de cinq ans, comme les provinces le souhaitaient, à compter de 2024-2025. L’offre ne s’accompagne pas non plus de conditions, mis à part le partage des données en santé.

Un lamentable échec, selon l’opposition

Les partis de l’opposition ont à l’unisson accusé François Legault d’« aplaventrisme » devant le gouvernement fédéral. Les adversaires politiques de M. Legault ont déploré son manque de combativité. À cela, le principal intéressé a rétorqué mercredi que « c’était une longue journée » et qu’il était « déçu ».

« Sa seule job à François Legault, c’était d’aller chercher l’argent qui nous revient à Ottawa. C’était sa seule job et il est en train d’échouer », a déploré le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois. « Ce qu’on a vu [François Legault] faire, c’est s’écraser devant l’offre qui est insultante du gouvernement Trudeau. […] Je ne comprends pas cet aplaventrisme-là », a-t-il ajouté.

Le Parti libéral du Québec s’est dit « déçu » de l’offre présentée par les libéraux fédéraux et demande à François Legault de « se ressaisir ».

« Il doit se battre pour aller chercher notre butin à Ottawa et penser aux patients qui sont sur des listes d’attente. C’est inacceptable ! », a lancé le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay.

De son côté, le Parti québécois tend la main à M. Legault pour qu’il « nomme » l’indépendance du Québec comme option devant ce nouveau revers.

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Paul St-Pierre Plamondon

« J’ai beaucoup de difficulté à croire que, quand François Legault se couche [...], il n’a pas en tête que l’indépendance du Québec est notre seule option à ce stade-ci », a fait valoir le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon.

Avec Hugo Pilon-Larose et Mélanie Marquis, La Presse