(Ottawa) Les Ouïghours et les musulmans turciques inlassablement traqués et persécutés par le régime chinois pourront trouver refuge au Canada. Le gouvernement canadien fait la promesse d’en accueillir 10 000 sur une période de deux ans, à compter de 2024.

La Chambre des communes a adopté unanimement, mercredi, avec 322 voix pour et aucune contre, la motion concoctée en ce sens par le député libéral Sameer Zuberi.

Des cris et des applaudissements ont fusé après l’annonce du résultat ; l’ovation a duré environ trois minutes.

Sameer Zuberi a été félicité par le premier ministre Justin Trudeau, et il a ensuite fait le tour de la pièce pour serrer les mains de députés de toutes les formations.

Je suis extrêmement reconnaissant et touché. C’est la bonne chose à faire. Nous respectons nos obligations internationales en tant que pays.

Sameer Zuberi, député libéral

Le programme accéléré permettra aux Ouïghours et musulmans turciques qui ont fui la Chine de trouver refuge au Canada.

Car même s’ils se sont installés en Turquie ou dans d’autres pays à majorité musulmane, ils continuent d’être pourchassés par Pékin.

« Nous savons, grâce au [laboratoire d’idées] Wilson Center, que sur les ordres de la Chine, plus de 1500 Ouïghours ont été déportés ou détenus », a souligné M. Zuberi.

« Ils sont vulnérables. Ils sont encore persécutés », a-t-il ajouté.

Un plan réalisable

Une motion adoptée en Chambre n’est pas contraignante pour le gouvernement. Mais le programme a été approuvé par Justin Trudeau et ses ministres.

M. Zuberi se réjouit que le gouvernement ait embrassé son plan migratoire, il dit être convaincu qu’en dépit des ratés de la machine chez Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, le plan fonctionnera.

« Nous avons accueilli un nombre record de résidents permanents et atteint nos cibles de réinstallation de réfugiés en 2022. J’ai entièrement confiance que le gouvernement peut et va y arriver », a-t-il argué.

Il existe actuellement selon lui au Canada une communauté ouïghoure d’environ 3000 personnes, qui ont notamment élu domicile à Montréal et sur la Rive-Sud.

« Un premier pas »

Le député bloquiste Alexis Brunelle-Duceppe savoure aussi une victoire, lui qui défend la cause ouïghoure depuis plusieurs années ici comme à l’international.

« Je peux te dire que ça braillait dans les estrades », a-t-il relaté en parlant de la délégation ouïghoure qui se trouvait au parlement pour assister au vote.

« Moi-même, j’avais les larmes aux yeux. Sameer a traversé la Chambre et on s’est pris dans nos bras. C’est un grand moment », a laissé tomber l’élu.

À l’instar de son complice libéral, il croit en la faisabilité de l’opération.

« Là où j’y crois, c’est que les Ouïghours vont talonner le gouvernement canadien. Ils sont bien organisés. Aujourd’hui, c’est le premier pas », a avancé M. Brunelle-Duceppe.

Gratitude ouïghoure

Venu d’Allemagne afin d’assister à ce « moment historique » qui s’est joué à Ottawa, le président du Congrès ouïghour mondial, Dulkin Isa, a exprimé sa gratitude à l’endroit du Canada.

« Lorsque cette initiative s’est mise en branle l’an dernier, nous avions espoir, mais nous ne nous attendions pas à un tel appui du Parlement et des membres du gouvernement », a-t-il déclaré en conférence de presse.

Merci d’offrir aux Ouïghours une nouvelle raison d’espérer un refuge sûr.

Dulkin Isa, président du Congrès ouïghour mondial

L’ancienne haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme Michelle Bachelet a fait état dans un rapport publié en septembre dernier de « crimes contre l’humanité » dans la région chinoise du Xinjiang.

Elle y avait dénoncé « l’ampleur de la détention arbitraire et discriminatoire de membres des Ouïghours et d’autres groupes à prédominance musulmane ».

Au moins 3 millions d’individus de cette minorité persécutée croupissent actuellement dans des « camps de concentration », et « on ignore combien sont morts », a affirmé mercredi Dulkin Isa.

Un génocide ?

En février 2021, la Chambre des communes a reconnu l’existence d’un génocide perpétré par la Chine contre les Ouïghours dans la région du Xinjiang.

L’entièreté du cabinet Trudeau s’était abstenue de voter à ce moment-là.

Mais voici que les ministres viennent de le faire, en quelque sorte, puisque la motion M-62 reprend le terme « génocide ».

« Est-ce que ça veut dire que maintenant, le gouvernement canadien est capable de le dire haut et fort ? C’est la question qui me vient à l’esprit », expose Alexis Brunelle-Duceppe.

En savoir plus
  • 120
    Le gouvernement doit présenter dans les 120 jours de séance suivant l’adoption de la présente motion un rapport sur la mise en œuvre du plan de réinstallation des réfugiés.
    source : MOTION M-62 DE LA CHAMBRE DES COMMUNES
  • 11 à 12 millions
    Selon les statistiques chinoises de 2017, la population ouïghoure en Chine se situe entre 11 et 12 millions de personnes. La diaspora ouïghoure considère que ce chiffre est faux et estime qu’il se situe plutôt entre 25 et 35 millions de personnes.
    source : Soutien international aux Ouïghours