(Ottawa) Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a vécu l’un des moments les plus difficiles de sa carrière l’an dernier lors du « convoi de la liberté ». Un an plus tard, il ne ferme pas la porte à une réforme de la Loi sur les mesures d’urgence. Un menu chargé l’attend à la reprise des travaux parlementaires, lundi, avec le rapport attendu de la commission Rouleau et l’impasse du projet de loi C-21 pour bannir les armes d’assaut.

« Un an après, nous sommes convaincus d’avoir pris la bonne décision », affirme-t-il en revenant sur les circonstances qui ont mené le gouvernement à recourir à la Loi sur les mesures d’urgence pour la première fois de son histoire. Jamais cette législation massue, qui a remplacé la Loi sur les mesures de guerre, n’avait été utilisée depuis son entrée en vigueur en 1988.

« Pour moi, au niveau personnel, c’était un test », a-t-il confié dans une entrevue en français accordée à La Presse vendredi.

Je pense que le gouvernement a passé ce test parce que c’est une décision qui a restauré et maintenu la sécurité publique.

Marco Mendicino, ministre fédéral de la Sécurité publique

Il y aurait plusieurs raisons pour modifier la Loi sur les mesures d’urgence, ne serait-ce que pour allonger le délai de l’enquête publique qu’elle requiert. L’un des défis auxquels le juge Paul Rouleau a fait face dans la dernière année est le court laps de temps – 300 jours – pour mener à bien la Commission sur l’état d’urgence. Les audiences se sont déroulées au pas de course l’automne dernier avec une discipline de fer. Les journées commençaient à 9 h 30 et se terminaient régulièrement à 20 h ou même plus tard. Son rapport est attendu en février.

Des experts estiment également que le gouvernement devrait élargir la définition de menace à la sécurité nationale pour inclure les menaces à l’économie et à la réputation internationale du Canada1. Présentement, la législation définit toute menace à la sécurité nationale comme de l’espionnage ou du sabotage, de l’ingérence étrangère, l’usage de violence grave et la tenue d’activités pour renverser le gouvernement. Le gouvernement en a fait une interprétation très large pour justifier la déclaration de l’état d’urgence.

« Nous sommes en train de réfléchir à toute cette question dans le contexte actuel », indique le ministre Mendicino. Il n’exclut pas une réforme de la loi, mais évite de prendre tout engagement en ce sens. Deux leçons ont été tirées de cette expérience, selon lui : l’importance de la collaboration entre les services policiers ainsi qu’entre les services policiers et le gouvernement.

Comment dénouer l’impasse pour C-21 ?

Le ministre fédéral de la Sécurité publique a entrepris une tournée au début du mois, à la fois virtuelle et en personne, pour aller à la rencontre de chasseurs et de communautés autochtones au Québec, dans le sud-ouest de l’Ontario et au Yukon. Il espère répéter l’expérience dans les Territoires du Nord-Ouest sous peu.

« J’ai compris que, pour eux, c’est une partie de leur identité », reconnaît-il.

Son objectif est de tenter de rapprocher des gens aux positions diamétralement opposées. « C’est un sujet qui est tellement émotionnel, ce n’est pas facile, fait-il remarquer. Si vous êtes membre d’une famille qui a perdu un proche, c’est très, très difficile. Si vous êtes un membre de la communauté des chasseurs et des Autochtones, c’est une partie de votre tissu social. »

Le gouvernement avait réussi à braquer à la fois les chasseurs et les Autochtones en déposant l’automne dernier deux amendements de dernière minute au projet de loi C-21 afin d’interdire les armes d’assaut. Les consultations étaient alors déjà terminées. Certaines, comme les fusils de type SKS, sont également utilisées pour la chasse.

Les amendements sont importants parce que le but du gouvernement est de bannir les armes d’assaut, un style d’armes à feu qui a été créé pour la guerre et qui a été utilisé dans les plus grandes tragédies de notre histoire.

Marco Mendicino, ministre fédéral de la Sécurité publique

Il se dit toutefois prêt à les « affiner » à la lumière des commentaires recueillis. L’un de ces amendements propose une longue liste d’armes à feu à interdire, dont les SKS. Il s’agit d’une arme de style militaire, développée par les Soviétiques durant la Seconde Guerre mondiale, devenue populaire auprès des chasseurs, incluant les membres des Premières Nations.

« Le SKS a été créé pour la guerre et le passage du temps n’y change rien », soutient le ministre Mendicino, rappelant que cette arme a été utilisée pour tuer deux policiers en octobre dans le comté de South Simcoe, en Ontario. Elle semble donc être sur la liste pour de bon.

M. Mendicino rappelle que le projet de loi C-21 fait partie d’une stratégie dont les deux autres piliers comprennent la saisie d’armes à feu illégales à la frontière et une stratégie de prévention des crimes par arme à feu.

1 Lisez « “Convoi de la liberté”, un an après : un mouvement qui a fait des petits »