(Lac-Beauport) Le gouvernement Legault est en voie de nommer l’ex-candidate caquiste dans Sherbrooke, Caroline St-Hilaire, au poste de déléguée du bureau du Québec à Barcelone. Une nomination partisane inacceptable aux yeux des libéraux et des péquistes, qui accusent le premier ministre de renier ses promesses.

Comme le révélait mercredi Le Journal de Québec, François Legault songe très sérieusement à nommer Caroline St-Hilaire à ce poste de déléguée à l’étranger, ce qui recoupe des informations obtenues par La Presse au cours des dernières semaines. Selon nos informations, cette nomination n’est pas prévue à court terme, mais aura bel et bien lieu.

De simple bureau, l’antenne dont dispose le gouvernement du Québec à Barcelone sera hissée au rang de « délégation », une appréciation importante des coûts de même que du traitement de la personne nommée à ce poste.

Quand l’annonce tombera, le gouvernement aura fort à faire pour expliquer que cette décision était nécessaire et avait été longuement mûrie. En novembre dernier, après les dernières élections, le ministère des Relations internationales de Martine Biron avait nommé un fonctionnaire comme responsable de ce qui est, depuis plus de 20 ans, un simple « bureau » du Québec.

Des sources proches de ces discussions révèlent que Mme St-Hilaire, qui avait précédemment été députée bloquiste de Longueuil avait réclamé d’abord la nomination beaucoup plus prestigieuse de Déléguée générale du Québec à Paris.

Puis comprenant que ce ne serait pas possible, elle avait jeté son dévolu sur un autre poste de « délégué du Québec » cette fois à Dakar, capitale du Sénégal. Dès l’annonce de sa candidature, elle avait confié à son entourage qu’elle avait l’assurance d’un parachute en cas de défaite dans Sherbrooke.

De guerre lasse, elle a plus récemment accepté Barcelone, avec un surclassement à la clé. Les postes des délégations de Paris et Dakar sont respectivement rétribués 197 000 $ et 175 000 $ par année, avec un appartement de fonction et un chauffeur. Bien moindre, le traitement du « chef de bureau » à Barcelone n’apparaissait pas dans la liste des administrateurs québécois les mieux rémunérés jusqu’ici.

« Est-ce que ça faisait partie du deal ? »

L’ex-mairesse de Longueuil et ancienne députée du Bloc québécois n’est pas parvenue à ravir Sherbrooke des mains de Québec solidaire lors des dernières élections générales. « Est-ce que ça faisait partie du deal ? », s’interroge le député libéral Monsef Derraji.

« Est-ce que ça faisait partie du deal […] que si jamais ça ne marchait pas à Sherbrooke en tant que députée et ensuite ministre, qu’il y aurait un prix de consolation en étant nommée quelque part par le gouvernement ? », ajoute le porte-parole des questions en matière d’éthique.

PHOTO ÉRICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Monsef Derraji

Monseil Derraji accuse François Legault de renier ses promesses alors qu’il avait pris l’engagement en 2018 de mettre fin aux nominations partisanes.

Le député du Parti québécois Pascal Bérubé rappelle que François Legault promettait de mettre fin aux nominations partisanes lorsqu’il était dans l’opposition.

« Une fois élu, il avait promis, en chambre, que le premier projet de loi de son gouvernement serait pour mettre fin aux nominations partisanes. Il ne l’a pas fait. La conclusion est qu’en cette matière, le gouvernement de la CAQ n’est pas différent des gouvernements libéraux précédents », lance le député de Matane-Matapédia.

Selon Québec solidaire, François Legault pourrait « donner le cours Cynisme 101 ». « Dans le dossier du mode de scrutin, il a fait comme Justin Trudeau : il a brisé sa promesse. Dans le cas de Caroline St-Hilaire, il fait comme Jean Charest : une nomination en cadeau à une amie du parti. C’est la confiance des gens envers nos institutions qui en ressort affaiblie », a fait valoir le chef parlementaire, Gabriel Nadeau-Dubois.

L’ex-candidate dans Maurice-Richard, Audrey Murray, qui a aussi été défaite en octobre, a été nommée sous-ministre au ministère du Tourisme à l’automne. L’ex-maire des Îles-de-la-Madeleine, Jonathan Lapierre, qui a lui aussi vu sa tentative d’être élu député échouée, a de son côté été embauché comme directeur du cabinet de la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest.

À la lumière de ces situations, « la question se pose » à savoir si M. Legault fait des promesses à ses candidats en cas de défaite pour les attirer dans le giron de la CAQ, s’insurge M. Derraji.

« M. Legault doit être très transparent. […] On ne peut pas se cacher, c’est une nomination partisane. […] Il doit respecter sa promesse qu’il a livrée aux Québécois de ne plus faire de nominations partisanes », a ajouté le député de Nelligan.

Caroline St-Hilaire a été défaite dans Sherbrooke alors que la députée sortante, Christine Labrie, a conservé son siège en remportant 41,91 % des voix. La CAQ a terminé deuxième en récoltant 35,25 % du vote.