(Ottawa) Le ministère de la Défense nationale a discrètement obtenu récemment le feu vert d’Ottawa pour dépenser 7 milliards à l’achat de 16 premiers avions de chasse F-35 et de matériel connexe.

Deux sources au ministère de la Défense, qui se sont exprimées sous le couvert de l’anonymat pour discuter de questions qui n’étaient pas encore rendues publiques, ont déclaré qu’une demande de financement envoyée au Conseil du Trésor avait été approuvée plus tôt ce mois-ci.

La Presse Canadienne a également pu consulter un document qui résume cette demande au Conseil du Trésor et a vérifié de manière indépendante son exactitude.

L’approbation du financement fait suite à des mois de négociations avec le gouvernement américain et Lockheed Martin, depuis que l’appareil F-35 a battu le « Gripen », du constructeur suédois Saab, dans le cadre d’un appel d’offres plus tôt cette année.

Le gouvernement libéral avait déjà annoncé son intention d’acheter 88 nouveaux avions de chasse pour remplacer les CF-18 vieillissants entre 2026 et 2032. Les CF-18 actuels auront 50 ans en 2032.

Les sources qui se sont confiées à La Presse Canadienne expliquent que le Canada achètera des F-35 par tranches au cours des prochaines années. Elles indiquent par ailleurs qu’Ottawa devait faire une première commande d’ici la fin de l’année civile pour s’assurer que son calendrier de livraison prévu reste sur la bonne voie.

L’approbation par le Conseil du Trésor couvre une première livraison de 16 appareils F-35, fabriqués par Lockheed Martin, ainsi que des pièces de rechange, l’armement et divers coûts de démarrage associés à l’obtention de nouveaux chasseurs à réaction, comme la construction d’installations.

Le gouvernement libéral devait faire une annonce il y a deux semaines, selon des sources, mais la nouvelle ne devrait pas être officiellement annoncée avant janvier.

Le cabinet de la ministre des Approvisionnements, Helena Jaczek, a refusé mardi de commenter l’approbation du Conseil du Trésor.

Lockheed Martin a aussi refusé de commenter. Il en a été de même pour le « bureau F-35 » du département américain de la Défense, qui est responsable du programme de chasseurs furtifs.

Une longue saga

La longue quête d’un nouvel avion de chasse par le Canada pour remplacer ses CF-18 vieillissants a connu un dénouement en mars, après une décennie, lorsque le gouvernement libéral a annoncé des négociations avec le géant américain de la défense Lockheed Martin pour son F-35.

Les responsables prévoyaient à l’époque que les pourparlers prendraient environ sept mois et déboucheraient sur un contrat final d’ici la fin de l’année. Mais le gouvernement libéral se gardait une carte dans sa manche : la possibilité de discuter avec Saab de son chasseur Gripen si les discussions avec Lockheed Martin devaient s’enliser.

Le gouvernement avait initialement prévu de dépenser 19 milliards pour toute la prochaine flotte d’avions de chasse, mais il n’était pas évident à l’époque de savoir ce qui serait – et ne serait pas – inclus dans ce prix. La ministre de la Défense nationale, Anita Anand, précisait en mars que le coût serait « encore affiné ».

L’achat de F-35 par tranches n’est pas hors de l’ordinaire, explique l’analyste américain Richard Aboulafia, l’un des plus grands experts mondiaux pour cet appareil. La Grande-Bretagne l’a fait, l’Australie aussi.

Les raisons d’une telle approche progressive varient en fonction du processus budgétaire de chaque pays et de la capacité de leurs militaires à accepter et à soutenir la transition vers un nouvel appareil. Cette approche tient aussi compte du calendrier de production de Lockheed Martin.

Le gouvernement conservateur de Stephen Harper s’était d’abord engagé en 2010 à acheter 65 F-35, sans appel d’offres, avant que les inquiétudes concernant le coût et les capacités du chasseur furtif ne l’obligent à revenir à la planche à dessin.

En campagne électorale, en 2015, les libéraux ont promis de ne pas acheter les F-35, mais plutôt de lancer un appel d’offres pour remplacer les CF-18. Ils ont ensuite prévu d’acheter sans appel d’offres 18 « Super Hornet » de Boeing, comme mesure « transitoire » jusqu’à ce qu’un appel d’offres complet puisse être lancé.

Mais le gouvernement a annulé ce plan lorsque Boeing a déclenché un litige commercial avec Bombardier. Ottawa a finalement lancé le processus d’appel d’offres actuel en juillet 2019, date à laquelle le Super Hornet et le F-35 ont été autorisés à participer.

Entre-temps, le gouvernement a été obligé d’investir des centaines de millions de dollars supplémentaires dans la flotte de CF-18 pour la faire voler jusqu’à ce qu’un remplaçant puisse être livré.

La Presse Canadienne a révélé la semaine dernière que le Canada n’enverra pas l’an prochain d’avions de combat pour patrouiller l’espace aérien de l’OTAN, notamment pour des incursions russes. Pour la première fois depuis 2017, les CF-18 canadiens seront donc absents du ciel au-dessus de l’Europe. Cette décision a été en partie imputée à la nécessité de mettre à niveau les vieux chasseurs.