(Ottawa) Le Canada a mis fin à l’exemption qui autorisait l’envoi de turbines destinées au gazoduc Nord Stream 1. Le président russe Vladimir Poutine, estime-t-on à Ottawa, a prouvé qu’il n’avait jamais eu l’intention d’alimenter l’Europe en énergie depuis que son pays a envahi l’Ukraine.

Ottawa avait contourné ses propres sanctions contre la Russie en juillet dernier en accordant ce permis d’une durée de deux ans qui permettait l’aller-retour de six turbines à des fins d’entretien – un passe-droit qui avait ulcéré le président Volodymyr Zelensky.

Une turbine qui était bloquée à l’usine Siemens de Montréal avait par conséquent été expédiée en Allemagne, où elle n’a pas bougé depuis. Quant au gazoduc qu’elle était censée contribuer à faire fonctionner, il demeure inopérant.

Ce qui a toutes les apparences d’un acte de sabotage, selon une enquête de la Suède, remonte à septembre dernier. Mais mercredi, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, et son collègue Jonathan Wilkinson, aux Ressources naturelles, ont signalé qu’ils en avaient assez vu en annonçant l’annulation du permis.

« Étant donné que [Vladimir] Poutine a été forcé de démontrer que son intention n’a jamais été de remettre Nord Stream 1 en service et que le gazoduc est inutilisable, le gouvernement du Canada a décidé de révoquer le permis », écrivent-ils dans un communiqué conjoint publié en fin de journée.

Le Canada prend cette décision en reconnaissant que les circonstances entourant l’octroi du permis ont changé. Le permis ne remplit plus la fonction qui lui était destinée. Cette décision a été prise en étroite collaboration avec nos alliés ukrainiens, allemands et européens.

Extrait d’un communiqué des ministres Mélanie Joly et Jonathan Wilkinson

L’emplacement actuel des cinq autres turbines n’a pas été précisé par le gouvernement ni par Siemens. La seule installation au monde où elles peuvent être entretenues est à Montréal, a indiqué en octobre passé Arne Wohlschlegel, directeur général de Siemens Énergie Canada, au Comité permanent des affaires étrangères.

Une demande qui remonte à août

L’ambassadrice de l’Ukraine à Ottawa, Yulia Kovaliv, avait réclamé quelques semaines auparavant devant le même comité la fin de l’exemption aux sanctions. Elle arguait que la démonstration avait été faite que le maître du Kremlin bluffait, même si les Ukrainiens le savaient déjà, eux.

Le gazoduc Nord Stream 1 est une canalisation de 1200 km qui relie la Russie à l’Allemagne.

Moscou avait plaidé l’été dernier que si on ne livrait pas la turbine coincée au Canada en vertu du régime de sanctions, les livraisons de gaz écoperaient. Le gouvernement canadien avait plié sous la pression exercée par l’Allemagne, au grand déplaisir de l’Ukraine.

La vice-première ministre Chrystia Freeland a annoncé mardi à Paris que le Canada transférerait 115 millions de recettes tarifaires perçues sur les importations en provenance de la Russie et de la Biélorussie pour réparer le réseau électrique de Kyiv, que le Kremlin bombarde alors que le temps froid s’installe.

« Poutine et ses hommes de main sont des criminels de guerre et ils tentent d’utiliser le froid comme arme pour briser le courage du remarquable peuple ukrainien. Ils n’y parviendront pas ; ce soutien aidera l’Ukraine à sécuriser son infrastructure énergétique et à traverser le difficile hiver à venir », a-t-elle déclaré.