(Québec) Laver sa vaisselle la nuit, baisser le chauffage lorsque la maison est vide, tarification dynamique : tout est sur la table pour pousser le Québec vers la sobriété énergétique. Un projet de loi « costaud » sera déposé en 2023, révèle le ministre de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, qui rêve de voir des champs éoliens dans le nord du Québec.

« Je vous parle beaucoup de sobriété. Pour connaître un peu ce qui se passe dans le monde, nous ne sommes pas sobres. […] On peut changer, peut-être, la modulation », a lancé M. Fitzgibbon vendredi lors d’un point de presse dans lequel il a détaillé sa vision de la gestion et de la production de l’énergie dans l’avenir.

« J’ai vécu en Chine et je peux vous dire, quand on arrivait le soir dans la maison, c’était froid et il fallait partir [le chauffage]. Il y a une habitude de consommation », a-t-il expliqué.

Le gouvernement Legault a chiffré son objectif de production d’énergie d’ici 2050 à 100 TWh, ou « un demi-Hydro-Québec », pour décarboner le Québec et atteindre ses cibles climatiques.

À court terme, Pierre Fitzgibbon a inscrit dans un projet de loi déposé vendredi – et qui limite à 3 % la hausse des tarifs d’électricité – l’abaissement du seuil où Hydro-Québec est forcée par la loi à « brancher » une entreprise, de 50 MW à 5 MW, comme l’a révélé La Presse. Un projet de 5 MW, c’est le « Centre Bell ou un hôpital de 150 lits », a dit le ministre, ce n’est pas un « petit projet ou une grosse maison à Westmount ». La demande est trop forte pour l’offre.

C’est le ministère de l’Économie et de l’Énergie de M. Fitzgibbon qui décidera si les projets peuvent obtenir de l’énergie, en se fondant sur deux critères : les bienfaits pour l’économie du Québec et l’objectif de réduction des émissions de GES de 37,5 % en 2030.

En janvier, il précisera la teneur de ces critères, et il va ensuite les enchâsser dans une loi. « Il va falloir qu’on prépare un projet de loi très costaud, qui va être beaucoup plus important pour Hydro-Québec et la Régie de l’énergie, et qui va être déposé quelque part en 2023 », a-t-il dit. Toutes les grilles de tarification, qui sont régulées en ce moment par la Régie de l’énergie, seront revues. « J’ai des idées, on va consulter, c’est pas quelque chose qu’on va faire en bâillon. On va consulter parce que c’est très, très massif », a-t-il dit.

Champs d’éoliennes dans le Nord

Ce projet de loi pourrait aussi inclure de la tarification dynamique – faire payer plus les consommateurs lors des périodes de pointe, par exemple, où la demande dépasse la capacité de production d’Hydro-Québec. Car la « sobriété énergétique » proposée par le ministre Fitzgibbon est au cœur de sa stratégie pour dégager de l’électricité pour la décarbonation du Québec, et c’est elle qui se fera à court terme.

« On a [l’équivalent de la production d’électricité d’un] barrage en sobriété, on a un ou deux barrages dans l’éolien, et on a un barrage avec [l’installation] de nouvelles turbines [dans les anciennes centrales] », a expliqué le ministre, qui a hérité au début du second mandat de la Coalition avenir Québec du ministère de l’Énergie, annexé au ministère de l’Économie.

« Les entreprises qui veulent du courant, peut-être qu’on va leur dire : à la pointe, vous n’en aurez pas. Ou on va le baisser. Nous aussi, les consommateurs aussi, peut-être, il faut changer nos habitudes. Peut-être laver la vaisselle, le faire à minuit », a-t-il dit.

À plus long terme, M. Fitzgibbon mise beaucoup sur l’éolien et dit s’inspirer du Danemark, qui tire 50 % de sa production d’électricité du pouvoir du vent. Au Québec, l’éolien ne fournit que de 5 à 10 % du cocktail énergétique.

Pas nécessairement de nouveaux barrages

« Le meilleur exemple, c’est le Danemark. Tout est dans le Nord, et le monde est dans le Sud. Il y a un gros tuyau qui part et qui relie ça. Est-ce qu’on veut faire des projets éoliens massifs dans des endroits où c’est socialement acceptable, et en même temps connecté vers le Sud, et c’est de l’argent. Mon intuition est qu’on devrait regarder ça sérieusement », a-t-il expliqué. Et le Québec ne manque pas de terrains, a-t-il dit, en citant la ville de Fermont, qui pourrait accueillir un champ d’éoliennes.

Ce n’est qu’à la fin de ce processus qu’il pourra déterminer si nous avons besoin de relancer la construction de grandes centrales hydroélectriques. Il a lancé, à titre d’exemple fictif, que la construction de 10 000 MW d’énergie éolienne dans le Nord rendrait caduque la construction de barrages. Le calcul se fera sur une « question de coût » : ce qui est le plus rentable.