(Québec) Québec solidaire et le Parti libéral du Québec demandent à Simon Jolin-Barrette d’arrêter de se « chicaner » avec la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, et de rouvrir rapidement le dialogue pour dénouer la crise qui guette le système judiciaire.

« Dans une société démocratique, l’accès à la justice, ce n’est pas un luxe, c’est un droit. M. Jolin-Barrette doit arrêter de se chicaner avec les autres acteurs du système de justice », a lancé le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois.

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Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire de Québec solidaire

« C’est lui qui est ministre. Il doit travailler avec l’ensemble des acteurs de notre système de justice pour trouver une solution. Les gens ont des droits », a rappelé M. Nadeau-Dubois à l’ouverture du caucus présessionnel de sa formation, mercredi à Québec.

La Presse rapportait mercredi que le système de justice est près du « point de rupture » : les délais explosent et menacent d’entraîner des milliers d’arrêts du processus judiciaire. Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, se dit « préoccupé » et en « mode solutions ». La réforme controversée de la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, est au cœur des préoccupations.

Lisez l’article « Explosion de délais : la justice près du “point de rupture” »

La réorganisation imposée cet automne malgré les hauts cris du gouvernement Legault est justifiée entre autres par la complexification du droit et la nécessité d’écrire de nombreuses décisions, notamment en matière de Charte, insiste la magistrature. Québec se bat devant les tribunaux pour annuler cette décision « unilatérale ». Il a perdu une première manche en Cour supérieure ; un renvoi en Cour d’appel sera entendu en 2023.

Relations tendues

Les relations sont par ailleurs extrêmement tendues entre la juge en chef et M. Jolin-Barrette.

« On gagne toujours, à mon avis, à se parler », a soutenu de son côté le porte-parole du Parti libéral en matière de justice, André A. Morin. « La situation est vraiment préoccupante quand on parle de possible rupture. […] La porte ouverte, le dialogue, c’est toujours mieux que d’attendre et engendrer des conflits », a-t-il ajouté.

La réforme de Mme Rondeau prévoit notamment que les juges de la Cour du Québec au criminel et au pénal siègent désormais un jour sur deux (ratio de 1/1), alors qu’ils siégeaient auparavant deux jours et délibéraient la troisième journée (ratio de 2/1). Pour compenser la perte nette de 4617 jours d’audition par année, la juge en chef réclame l’ajout de 41 juges, mais Québec refuse net.

« Je suis ouvert à donner des ressources supplémentaires, des juges supplémentaires, mais il faut que ça se traduise par un gain d’efficacité. On ne fera pas juste ajouter des ressources pour le même résultat où il n’y aura pas une minute de temps supplémentaire de cour pour les justiciables. C’est pas acceptable », a réitéré le ministre Jolin-Barrette à son arrivée à la réunion du Conseil des ministres, mercredi.

Les projections du ministère de la Justice obtenues par La Presse sont alarmantes : de 47 000 à 64 000 causes pourraient dépasser les plafonds de l’arrêt Jordan en 2022-2023 en raison du nouveau ratio, sans l’ajout de nouveaux juges.

« On pense entre autres aux victimes d’actes criminels, d’agressions sexuelles… C’est déjà difficile de dénoncer, difficile d’aller témoigner à la cour en plus. Et ces personnes-là vivent un stress qui s’accumule à cause des délais, alors je peux comprendre que c’est excessivement stressant », déplore M. Morin, ex-procureur fédéral en chef du Service des poursuites pénales du Canada pour la région du Québec.

« C’est la responsabilité du ministre de rassurer la population, c’est son rôle. Et donc, de prendre toutes les mesures nécessaires à sa disposition pour agir et trouver une solution », a-t-il poursuivi.

Avec la collaboration de Louis-Samuel Perron et de Charles Lecavalier, La Presse