(Québec) Québec solidaire (QS) propose un virage à 180 degrés en matière de laïcité. Au moment où les partis politiques aiguisent leurs armes en prévision de la campagne électorale, le parti de Gabriel Nadeau-Dubois promet de transformer en profondeur la loi 21 afin de permettre à tous les employés de l’État de porter des signes religieux.

« On va permettre le port de signes religieux pour que tout le monde puisse travailler au Québec, peu importe ses croyances. On va ajouter des dispositions à la loi pour que la laïcité au Québec soit rassembleuse et cohérente », affirme le chef parlementaire de QS en entrevue avec La Presse.

À l’heure actuelle, la Loi sur la laïcité de l’État (« loi 21 »), que le gouvernement Legault a fait adopter sous bâillon en juin 2019, prévoit que les enseignants, les directeurs des écoles primaires et secondaires publiques, les agents de la paix, les procureurs de la Couronne, les juges de nomination québécoise ainsi que le président et les vice-présidents de l’Assemblée nationale ne peuvent porter de signes religieux dans l’exercice de leurs fonctions. Le Parti québécois (PQ) a appuyé la loi, mais le Parti libéral du Québec (PLQ) et QS ont voté contre.

« Un signe religieux est tout objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef, qui est soit porté en lien avec une conviction ou une croyance religieuse ou qui est raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse », selon la définition du gouvernement du Québec.

De nouvelles balises

M. Nadeau-Dubois propose de modifier la loi pour y ajouter des balises « simples, claires et faciles à interpréter » afin d’encadrer le port de signes religieux, en conformité avec les dispositions prévues par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Sous un gouvernement solidaire, il serait uniquement permis d’interdire le port d’un signe religieux à un employé de l’État pour des raisons de sécurité, promet-il, ou s’il l’empêche de bien faire son travail.

« Pour prendre un exemple très simple, une personne qui souhaite enseigner au Québec ne peut pas le faire pleinement et ne peut pas le faire convenablement si elle a un signe religieux qui couvre son visage. C’est un élément élémentaire et important. Même chose pour un policier qui interpelle quelqu’un dans la rue. Les citoyens s’attendent à pouvoir identifier l’agent qui les interpelle », explique le chef parlementaire de QS.

Ainsi, Québec solidaire appuie les parties du texte législatif en vigueur qui disent que « tout membre du personnel d’un organisme [public] doit exercer ses fonctions à visage découvert » lorsqu’il rend un service.

« Il faut en avoir le cœur net »

Gabriel Nadeau-Dubois propose également de demander à la Cour d’appel du Québec — le plus haut tribunal de la province – d’indiquer si les dispositions actuellement prévues par la Loi sur la laïcité de l’État respectent la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Cette charte a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en 1975 et ne relève pas du gouvernement fédéral.

« Il faut tourner la page sur ce débat-là. Il faut en avoir le cœur net. Il faut, une bonne fois pour toutes, savoir si interdire à une jeune femme d’enseigner parce qu’elle porte un foulard [comme l’a fait la Coalition avenir Québec (CAQ)] respecte notre Charte québécoise des droits et libertés de la personne », estime M. Nadeau-Dubois.

La loi 21 n’a pas fermé le débat. La vérité, c’est que le débat est loin d’être clos.

Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire de Québec solidaire

« Il y a en ce moment une contestation judiciaire et François Legault vient de recruter le rédacteur de la charte des valeurs pour faire partie de sa prochaine équipe gouvernementale », poursuit-il en faisant référence à l’ex-chroniqueur et ancien ténor souverainiste Bernard Drainville, qui se présente pour la CAQ dans la circonscription de Lévis.

« Une femme qui enseigne à l’école, si on voit bien son visage et qu’elle respecte les normes professionnelles de son emploi, il n’y a pas de raisons d’interdire qu’elle enseigne. […] Ce sont les mêmes critères pour tout le monde. Ce qu’on veut, c’est de revoir la loi 21 pour permettre de manière générale le port de signes religieux tout en affirmant des balises pour encadrer la question du visage couvert », dit-il.

Les groupes religieux visés

Dans son projet de réforme de la loi 21, Québec solidaire propose également de mettre fin au financement public des écoles religieuses et aux exemptions fiscales pour les organisations religieuses.

Face au premier ministre caquiste qui affirme que la Loi sur la laïcité de l’État définit une valeur québécoise, Gabriel Nadeau-Dubois réplique qu’il ne comprend pas « le lien que fait François Legault entre la loi 21 et la fierté québécoise ».

« Des lois sur la laïcité, il y en a dans plusieurs pays. Ce qui me rend fier, c’est notre langue, notre culture, notre territoire, pas le fait qu’on encadre des signes religieux pour quelques employés de l’État », dit-il.