(Ottawa) Le Canada enverra de l’artillerie lourde en Ukraine, où l’on assiste à une intensification des combats dans la région du Donbass. Justin Trudeau s’y est engagé au moment où le président ukrainien Volodymyr Zelensky exhorte depuis des semaines ses alliés à armer ses troupes – chose qu’il est grand temps de faire, soutient un ancien ministre libéral de la Défense nationale.

Se disant fort conscient des besoins de Kyiv face à cette nouvelle menace dans l’est du pays, le premier ministre Justin Trudeau a signalé mardi que des cargaisons d’armement lourd seraient prochainement expédiées par le gouvernement canadien afin de soutenir les forces ukrainiennes dans leur résistance face à l’envahisseur russe.

« La plus récente demande au Canada est de les aider pour l’artillerie lourde, parce que la guerre en est à cette phase en ce moment. Le Canada va envoyer de l’artillerie lourde à l’Ukraine », a-t-il fait savoir en point de presse au Nouveau-Brunswick, où il était allé faire la promotion du budget fédéral.

Les détails sur l’envoi de ce matériel suivront « dans les prochains jours », a soutenu le premier ministre, saluant au passage les Ukrainiens « qui se sont battus en héros » pour défendre non seulement leur patrie, mais également « les valeurs à la base de tellement de sociétés libres et démocratiques ».

Il a fait cette annonce après avoir pris part à une rencontre organisée par le président des États-Unis, Joe Biden, au sujet de l’Ukraine, à laquelle participaient également les dirigeants de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Japon, de la Pologne, de la Roumanie, de l’Union européenne, du Royaume-Uni et de l’OTAN.

La Maison-Blanche a promis la semaine passée une aide additionnelle de 800 millions US (un peu plus de 1 milliard CAN) pour fournir à l’Ukraine des véhicules blindés, des drones, des missiles Javelin, entre autres. Et selon ce que rapportaient mardi CNN et NBC News, l’administration Biden se préparerait à approuver une nouvelle tranche d’aide du même montant.

La ministre de la Défense nationale, Anita Anand, avait déclaré au début du mois qu’Ottawa envisageait l’achat d’armement létal auprès de fournisseurs tiers, le stock des Forces armées canadiennes, dans lequel on a d’abord puisé pour armer les Ukrainiens, étant épuisé.

À son bureau, mardi, on n’a pas voulu préciser d’où viendraient les armes, quel en serait le volume, ni quand l’artillerie lourde se retrouverait entre les mains des Ukrainiens. Le budget déposé le 7 avril dernier prévoit une enveloppe de 500 millions pour une aide militaire, létale et non létale, à l’Ukraine – une somme qui s’ajoute aux quelque 90 millions annoncés auparavant.

« La guerre est vraiment commencée »

M. Zelensky implore sans cesse l’Occident de lui envoyer du matériel létal.

« L’Ouest n’en fait malheureusement pas assez […] La guerre est vraiment commencée maintenant, et pour gagner la bataille [du Donbass] et cette guerre, nous avons besoin d’encore plus d’armes », a encore insisté le chef adjoint de son cabinet, Ihor Zhovkva, dans l’extrait d’une entrevue à CNN publiée mardi.

Il est grand temps que les pays occidentaux fournissent une aide plus substantielle à l’Ukraine, juge David Pratt, qui a été ministre de la Défense nationale sous Paul Martin au début des années 2000, et qui a toujours plaidé pour des investissements plus costauds en défense.

Ce qui se passe en Ukraine au moment où on se parle, c’est un génocide au ralenti. Les Russes détruisent le pays morceau par morceau. On assiste à la mutilation de l’Ukraine, et il faut lui venir en aide de façon concertée.

David Pratt, ex-ministre de la Défense nationale

Dans l’immédiat, le Canada et ses partenaires doivent impérativement armer les forces ukrainiennes, croit le consultant, dont la firme représente entre autres des industries du secteur de la défense.

Car il y a un certain bluff de la part de Moscou, estime-t-il : « On a entendu beaucoup de menaces de la part de la Russie, mais on a aussi vu une armée russe inepte qui a de gros problèmes d’approvisionnement, d’équipement et de commandement. »

La Suède et la Finlande au sein de l’OTAN ?

Sur le front diplomatique, Ottawa doit militer activement en faveur de l’inclusion de la Finlande et de la Suède au sein de l’OTAN, plaide l’ancien ministre libéral. « Le Canada doit encourager ces pays à rejoindre l’alliance le plus rapidement possible », lance-t-il.

Au cabinet de la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly, l’attaché de presse Adrien Blanchard a signalé que les deux nations nordiques comptent « parmi les partenaires les plus proches de l’OTAN » et que le Canada « soutient l’expansion » de l’alliance politique et militaire.

Lors de sa visite à Helsinki, au début du mois, la diplomate en chef du Canada avait affirmé que le pays était « digne » de se joindre à l’OTAN. Cette idée rallie désormais une majorité de Finlandais – 60 % en mars contre 34 % l’automne dernier, selon la firme de sondage Eva.

Les filles de Poutine sanctionnées

Le gouvernement Trudeau a emboîté le pas à l’Union européenne, au Royaume-Uni et aux États-Unis en prenant des sanctions contre les filles aînées de Vladimir Poutine, Katerina Tikhonova, 35 ans, et Maria Vorontsova, 36 ans. Par la même occasion, le Canada a aussi pris des sanctions visant 12 autres oligarques et collaborateurs du régime russe. Ces mesures se traduisent par des gels d’actifs des personnes et entités visées. Lorsque Washington a annoncé des sanctions contre les deux femmes, le 6 avril dernier, un haut responsable de l’administration Biden avait affirmé que l’homme fort du Kremlin utilisait vraisemblablement des membres de sa famille pour cacher des actifs. Nées de l’union (rompue en 2013) entre Vladimir Poutine et Lioudmila Ocheretnaya, Maria et Katerina sont rarement vues en public.

Mélanie Marquis, La Presse