(Québec) Le député libéral Gaétan Barrette demande au ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, d’interpeller le Conseil de la magistrature pour qu’il indique sous quels critères il est acceptable dans une société démocratique de tenir un procès secret. Sinon, et c’est « très grave », prévient-il, « on ouvre la porte à toutes sortes de potentiels abus ».

M. Barrette a dénoncé mercredi que toute la clarté n’a pas été faite à ce jour sur la tenue d’un procès secret pour un informateur de police. Vendredi, La Presse révélait comment la Cour d’appel avait découvert l’existence d’un procès criminel secret tenu dans un contexte que le plus haut tribunal du Québec juge « incompatible avec les valeurs d’une démocratie libérale ». Aucun numéro de dossier n’a été ouvert, les accusations ont été gardées confidentielles, tout comme la sentence et le nom du juge. Le jugement n’a pas été archivé au greffe, et des témoins ont été interrogés en dehors du palais de justice.

« Quand le ministre dit à de multiples reprises qu’on a les moyens pour protéger l’identité d’une partie, quelles sont les circonstances qu’il qualifie d’exceptionnelles qui justifient d’imposer la tenue d’un procès secret ? Si on impose le secret et que ce n’est pas pour protéger l’informateur, c’est pour rendre invisible quelque chose d’autre. C’est quoi, le quelque chose d’autre ? », s’est questionné le député libéral.

« Le ministre doit s’adresser au Conseil de la magistrature pour qu’il statue sur ce qui s’est passé et ce qui est permis dans nos codes. Pour protéger tout le monde, il doit s’assurer avec la magistrature que ça ne se reproduira pas. Et s’il y a des circonstances où ça peut se faire, qu’ils établissent ces circonstances », a-t-il ajouté.

Pour un mandat d’initiative

Gaétan Barrette appuie également la demande de la députée péquiste Véronique Hivon, qui souhaite que les parlementaires se saisissent d’un mandat d’initiative pour entendre des témoins clés qui expliqueront comment un procès criminel secret a pu se tenir au Québec. Selon elle, les révélations faites par La Presse sont « l’équivalent d’une bombe nucléaire pour le système de justice ».

« Si on est aux États-Unis et qu’il y a une histoire d’espionnage, et que si telle chose sort, c’est la Troisième Guerre mondiale, peut-être que là… Mais on n’est pas là ! On est dans une affaire courante. Je ne vois pas [ce qui justifie un procès secret] », a ajouté M. Barrette.

« Est-ce qu’on peut imaginer un scénario gravissime dans l’histoire où il aurait fallu [tenir un procès secret] ? Peut-être, on peut l’imaginer. Il y a des romans policiers qui ont été écrits. Mais encore faut-il qu’on sache les critères que si ça arrive, on peut le faire », a dit le député.

Selon lui, « on ouvre la porte à toutes sortes de potentiels abus. C’est comme la CIA. Ils ont fait des interrogatoires à l’extérieur des États-Unis parce qu’il y a des lois aux États-Unis. Maintenant, si nos lois permettent un procès secret qui fait en sorte que c’est tellement invisible qu’il n’y a pas de traces, […] c’est grave. »

Ce procès, « ça s’appelle un précédent. Et un précédent, ça a comme caractéristique de se reproduire, mais ça ne se reproduit pas nécessairement dans les mêmes circonstances », a conclu M. Barrette.

Avec Vincent Larouche