(Québec) La députée péquiste Véronique Hivon souhaite que les parlementaires se saisissent d’urgence d’un mandat d’initiative pour entendre des témoins clés qui expliqueront comment un procès criminel secret a pu se tenir au Québec. Selon elle, les révélations faites par La Presse sont « l’équivalent d’une bombe nucléaire pour le système de justice ».

« Ça remet complètement en cause les fondements du système de justice dans une société démocratique, c’est-à-dire la connaissance et la transparence de la justice pour s’assurer du respect des droits et des processus. […] C’est tellement grave ce qu’on a appris, il faut comme élus, comme gardiens de la démocratie au Québec, se saisir en commission de cet enjeu », affirme-t-elle.

Dans une lettre envoyée à la Commission des institutions, mardi, Mme Hivon lui demande de se saisir d’un mandat d’initiative et d’inviter le ministre de la Justice, des sous-ministres, le Directeur des poursuites criminelles et pénales, le Barreau du Québec et l’Association des avocats de la défense à venir témoigner. En début de soirée, le Parti libéral a affirmé qu’il appuyait la demande.

« C’est notre responsabilité comme élus d’entendre toutes les parties qui peuvent avoir été impliquées pour qu’elles viennent s’expliquer. […] À cette obscurité qui nous met complètement à l’envers, il faut opposer de la transparence », affirme la députée du Parti québécois.

La Presse révélait récemment qu’un jugement de la Cour d’appel dénonçait la tenue d’un procès criminel dont il ne reste aucune trace. Dans cette affaire, surnommée par le plus haut tribunal de la province comme étant « le dossier X », les avocats d’un informateur de police se seraient entendus avec les procureurs de la Couronne pour tenir un procès secret en première instance, en contravention avec les règles du système de la justice, afin que la vie de l’accusé ne soit pas menacée.

À ce jour, on ignore tout de cette affaire, alors que rien n’a été dévoilé sur la nature des accusations qui étaient portées. « La Cour est d’avis que si des procès doivent protéger certains renseignements qui y sont divulgués, une procédure aussi secrète que la présente est absolument contraire à un droit criminel moderne et respectueux des droits constitutionnels non seulement des accusés, mais également des médias, de même qu’incompatible avec les valeurs d’une démocratie libérale », a déclaré la Cour d’appel dans son jugement.

Québec a demandé des vérifications

Questionné sur le sujet dans une mêlée de presse au parlement et ensuite à la période de questions par le député libéral Gaétan Barrette, le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a réitéré qu’il a demandé « à faire des vérifications pour [se] renseigner adéquatement sur le dossier ».

« Je tiens à réitérer que la justice doit être rendue publiquement. Il peut y arriver des circonstances exceptionnelles que des mesures doivent être prises pour faire en sorte dans un cas comme celui-ci de protéger l’identité d’un informateur de police, mais j’ai été fort surpris de ce processus-là et je suis encore en attente de certaines vérifications. Au moment opportun, je pourrai vous renseigner adéquatement s’il y a des mesures à prendre », a-t-il ajouté.

Au Salon bleu, Gaétan Barrette a affirmé qu’il s’est senti « en Amérique du Sud dans les années 70, à Guantanamo [et d’autres] affaires de même » en apprenant la tenue d’un procès secret au Québec. Véronique Hivon estime quant à elle qu’il est « alarmant qu’on ne sache même pas si d’autres instances comme celle-là ont pu se produire au Québec ».

« Fondamentalement, il faut mettre de la transparence dans quelque chose qui est complètement obscur et qui nous rappelle des pratiques d’États totalitaires, antidémocratiques ou moyenâgeuses. Les qualificatifs me manquent », affirme-t-elle