(Ottawa) Le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, reconnaît sans détour que la pandémie de COVID-19 a « considérablement » affaibli le système de la santé aux quatre coins du pays. Redresser la barre est donc nécessaire pour en assurer la pérennité.

Mais le gouvernement fédéral a démontré, pendant la pandémie, qu’il demeurait un « allié fiable » des provinces pour préserver les acquis et consolider le réseau, dit-il. Il l’a fait en s’occupant de l’achat des vaccins à grande échelle, permettant aux provinces de mener une opération de vaccination sans précédent. Il l’a fait en mettant la main sur des équipements de protection individuelle et en coordonnant les efforts pour freiner la propagation du virus.

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Et il l’a fait aussi en injectant des sommes supplémentaires dans le réseau, comme l’illustre d’ailleurs la décision de vendredi d’accorder 2 milliards de dollars aux provinces pour les aider à réduire les listes d’attente en chirurgie.

Dans une entrevue accordée à La Presse, vendredi, M. Duclos a insisté pour dire qu’Ottawa entendait continuer d’agir en tant que « partenaire » alors que les provinces réclament une hausse substantielle des transferts pour remettre le système de la santé à flot.

PHOTO PATRICK DOYLE, LA PRESSE CANADIENNE

Jean-Yves Duclos, ministre de la Santé du Canada

M. Duclos n’a pas voulu s’avancer sur la hausse des transferts que le gouvernement Trudeau envisage d’offrir aux provinces. Mais il a affirmé que les discussions, qui ont déjà cours entre lui et ses collègues depuis quelques mois, s’articuleraient autour de trois axes, ou « les trois R : le respect, la responsabilité et les résultats ».

Il faut toujours reconnaître que le respect des [compétences] est fondamental dans une fédération pour qu’elle fonctionne bien. Si le gouvernement canadien s’offre comme partenaire, c’est parce que l’on sent tous que c’est une responsabilité partagée, celle de prendre soin de la santé des gens, peu importe où ils habitent.

Jean-Yves Duclos, ministre de la Santé du Canada

« Quant au troisième R, tout le monde, y compris les collègues de la santé, veut mettre l’accent sur les résultats. On insiste sur les résultats, et moins sur les montants et les milliards de dollars qui souvent veulent dire peu de choses pour les citoyens », a estimé M. Duclos.

Demandes provinciales

Durant la dernière campagne électorale, les provinces ont demandé une hausse de 28 milliards des transferts en santé, qui ferait passer la contribution du gouvernement fédéral de 22 % à 35 %.

M. Duclos se fait l’apôtre de la politique de « la main tendue » à l’endroit des provinces, se disant conscient que le système de la santé, avant même la pandémie, faisait face à des défis importants, comme le vieillissement de la population, un nombre décroissant de travailleurs dans le domaine et le coût croissant des technologies pour traiter les maladies et les prix des médicaments.

« La pandémie est arrivée, ça a affaibli considérablement notre système de santé et les travailleurs de la santé. Ils ont été lourdement hypothéqués. Ils sont partis en grand nombre. Ils sont fatigués. Beaucoup songent à quitter le milieu. Le moral est faible. Leur santé physique et mentale a été affectée par la pandémie », a souligné le ministre.

Nous avons vécu un choc collectif et fort durant les deux dernières années. Et ce même message, on l’entend à travers le pays.

Jean-Yves Duclos, ministre de la Santé du Canada

Le ministre Jean-Yves Duclos ne s’inquiète pas outre mesure de la direction que veut prendre le gouvernement de François Legault dans sa « refondation » du réseau de la santé. Le premier ministre du Québec a récemment affirmé qu’environ 20 % des solutions qu’il envisageait dans son plan de réforme passeraient « par le privé ».

« Ce sont des décisions qui sont prises individuellement par les provinces et les territoires pour avoir les meilleurs résultats possibles. Les principes de la Loi canadienne sur la santé peuvent être soutenus de différentes manières. On s’entend tous que les principes d’universalité et d’accessibilité sont parmi les plus importants des principes. […] Pour être très honnête, le secteur privé joue déjà un rôle, et ce rôle est encadré par la Loi canadienne sur la santé », a-t-il avancé.

Promesse électorale

Les investissements fédéraux pour réduire les listes d’attente étaient une promesse électorale. À ce sujet, M. Duclos s’est abstenu de parler de « conditions ». Il a plutôt évoqué des « domaines de priorités sur lesquels tout le monde s’entend ».

« Nous avons la confiance totale, avec ce qu’on observe partout au pays en matière de retard en chirurgie, de diagnostics et de traitements, que les provinces et les territoires vont vouloir utiliser cet argent pour réduire ces délais et ces retards », a-t-il affirmé en conférence de presse.

La part du Québec s’élèvera à 450 millions, loin des 6 milliards supplémentaires réclamés par le gouvernement Legault. C’est tout de même un « premier pas temporaire », selon la ministre responsable des Relations canadiennes, Sonia LeBel.

« Notre demande demeure une augmentation récurrente et sans condition des transferts canadiens en santé, a-t-elle réitéré dans une déclaration écrite. Il s’agit d’une demande unanime de l’Assemblée nationale et de l’ensemble des premiers ministres. »

Le Québec a l’expertise pour s’occuper de son réseau de la santé. Nous allons poursuivre nos discussions avec le fédéral.

Sonia LeBel, ministre responsable des Relations canadiennes, dans une déclaration écrite

En campagne électorale, les libéraux avaient également promis de « négocier des ententes avec toutes les provinces » concernant les listes d’attente et les soins de première ligne.

La liste d’attente en chirurgie au Québec s’est allongée de plus de 7500 noms durant la cinquième vague causée par le variant Omicron. En date du 29 janvier, 158 933 Québécois attendaient de passer sous le bistouri et plus du tiers attendaient depuis plus de six mois. Le nombre de personnes en attente s’élève à environ 700 000 à l’échelle du pays, selon le ministère fédéral de la Santé.

Opposition

L’enveloppe de 2 milliards annoncée vendredi s’ajoute aux 4,5 milliards déjà versés aux provinces et aux territoires depuis le début de la pandémie de COVID-19. Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, n’a pas hésité à s’attribuer le mérite de l’annonce du ministre Duclos, qui survient trois jours après l’entente permettant au premier ministre Justin Trudeau de gouverner comme s’il détenait une majorité à la Chambre des communes.

Le Parti conservateur a affirmé que si le gouvernement Trudeau travaillait véritablement avec les provinces, « ces paiements ponctuels ne seraient pas nécessaires », selon le chef adjoint du parti, Luc Berthold.

De son côté, le Bloc québécois est convaincu que le gouvernement fédéral n’a pas l’intention d’augmenter les transferts en santé comme le demandent les provinces.