(Québec) Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, est « incrédule » devant la sortie musclée de l’ex-vice-président de la commission Laurent, André Lebon. Il s’est dit « très surpris » et s’explique mal « d’où sort[ent] ces commentaires ».

« J’ai été très surpris de ce que M. Lebon a dit. En décembre, quand on a déposé le projet de loi, il m’a envoyé un courriel me félicitant de ce qu’on faisait et deux mois plus tard, il fait cette déclaration. J’ai été très surpris. J’ai dit à Mme [Régine] Laurent, j’ai dit aux Québécois : le rapport ne sera pas tabletté », a lancé le ministre Carmant en mêlée de presse, jeudi.

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Dans une longue entrevue accordée à La Presse, André Lebon s’est vidé le cœur au sujet de la situation à la direction de la protection de la jeunesse (DPJ). « Je suis plus que découragé, je suis désespéré », a-t-il confié. Selon lui, c’est la « tablette » qui guette le rapport de la commission Laurent. Il déplore que les listes d’attente s’allongent et que les services de première ligne sont toujours aussi inefficaces.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

André Lebon, ex-vice-président de la commission Laurent

M. Lebon estime que le plan de suivi des recommandations est « extrêmement vague » et que le plan détaillé avec des objectifs précis n’est pas disponible. « Encore un maudit problème de cachotteries. Quelques happy few l’ont vu. Ce manque de transparence est problématique », argue-t-il.

« Il l’a vu, le plan », lui répond le ministre Carmant. « On a déposé avec le projet de loi un plan en trois phases. Le changement de la loi, c’est la phase la plus urgente et on est là. […] On fait les choses dans l’ordre et on va continuer à remplir les recommandations », a assuré le ministre. Il défend au passage la gestion du gouvernement Legault depuis le dépôt du rapport de la commission Laurent.

Mme Laurent et les commissaires ont fait six recommandations avant le dépôt du rapport. Toutes, toutes ont été remplies. […] La volonté politique est là de remplir toutes les recommandations de la commission Laurent.

Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux

Les parlementaires entameront la semaine prochaine l’étude détaillée du projet de loi 15 qui vise à moderniser la Loi sur la protection de la jeunesse pour placer l’intérêt de l’enfant au cœur du processus législatif. Lors des consultations, qui ont pris fin mardi dernier, plusieurs groupes, dont Régine Laurent elle-même, ont déploré que le texte législatif n’aille pas assez loin en ce sens.

Jeudi, le ministre Carmant a confirmé qu’il apportera des modifications au projet de loi pour que l’intérêt de l’enfant devienne la considération principale du texte législatif. « Ça, c’est clair », a-t-il lancé.

Un long chantier

Au Salon bleu, le premier ministre François Legault a réitéré le souhait de son gouvernement de « bonifier » le projet de loi 15. « Régine Laurent a fait un travail extraordinaire. Elle a déposé son rapport, et Monsieur le Président, six mois – pas six ans, six mois – après, mon collègue a déposé son projet de loi. […] Régine Laurent le dit elle-même, c’est un chantier sur les six à dix prochaines années », a-t-il ajouté.

Le premier ministre était alors questionné par le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois. Un peu plus tôt, le député Sol Zanetti y est allé d’une sortie forte contre le gouvernement sur le sujet : « On le savait pour les listes, on le savait pour le manque de personnel. Il y a bien des affaires qui auraient pu être réglées avant. Ça prend combien de temps à un gouvernement caquiste pour entendre le gros bon sens ? »

Imaginez la famille de la fillette de Granby qui lit ça ce matin, la grand-mère… que rien n’a changé et que le projet de loi ne va pas assez loin. J’en reviens pas. Je suis profondément déçu et en colère.

Sol Zanetti, porte-parole en matière de services sociaux, Québec solidaire

« C’est très préoccupant qu’un commissaire sorte de cette manière-là. Et moi, j’espère de tout cœur que ce travail-là ne sera pas tabletté », a fait valoir pour sa part la cheffe libérale, Dominique Anglade.

Le député du Parti québécois Martin Ouellet a invité André Lebon à « faire confiance aux politiciens qui sont là présentement ».

« Il ne faut pas que [le rapport soit] mis sur les tablettes. Je pense que M. Lebon, avec 40 ans d’expérience, en a vu d’autres, des gouvernements qui ont dit : “On va changer la donne, on va améliorer le système.” Là, on a une chance. La loi est ouverte. […] C’est la partie la plus difficile qu’on a à faire. »