(Québec) Le bras de fer qui oppose la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, au ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a connu un nouvel épisode mercredi, alors que le gouvernement a fait adopter avec les oppositions une motion qui affirme « que l’absence de maîtrise d’une autre langue que [le français] ne devrait pas constituer d’office une barrière pour accéder à la fonction de juge au Québec ».

Cette motion sans préavis, adoptée à l’unanimité après la période de questions au Salon bleu, est le plus récent épisode du débat concernant le bilinguisme exigé pour certains postes de juges dans la province. Plus tôt ce mois-ci, la Cour supérieure a tranché que le ministre Jolin-Barrette, qui est aussi responsable de la protection du français, a posé un geste « illégal » en intervenant dans le processus de publication des avis pour des postes de juge afin qu’ils n’incluent pas d’exigences linguistiques, contrairement aux demandes de la juge Rondeau.

« Le ministre ne détient aucun pouvoir discrétionnaire quant au contenu de l’avis de sélection à être publié. […] Il n’a aucun mot à dire sur l’inclusion des besoins exprimés par la juge en chef dans l’avis [de concours] ni sur l’identité des personnes qu’il doit nommer », a tranché le juge Christian Immer de la Cour supérieure.

Selon lui, l’« intervention du ministre de la Justice dans le processus de préparation et de publication des avis [était] ultra vires [au-delà de ses pouvoirs] et illégale ».

L’exemplarité de l’État

La motion adoptée mercredi par les élus de l’Assemblée nationale « réitère l’importance du principe de l’exemplarité de l’État en matière de protection de la langue française » et que « l’Assemblée nationale affirme que la Justice ne fait pas exception à cet important principe ».

La motion souligne également que « l’Assemblée nationale affirme que l’absence de maîtrise d’une autre langue que la langue officielle et commune ne devrait pas constituer d’office une barrière pour accéder à la fonction de juge au Québec ».

Le Parti libéral, qui était visé politiquement par le gouvernement avec la présentation de cette motion, l’a appuyée au moment du vote. L’opposition officielle a toutefois déposé à son tour une motion, qui n’a pas été soumise au vote, faute de consentement, pour que « l’Assemblée nationale prenne acte qu’un jugement rendu par la Cour supérieure le 2 février conclut que le ministre de la Justice du Québec a agi de manière illégale […] [et] qu’elle déclare que le respect des lois n’est jamais conditionnel à la valeur d’un objectif politique, quel qu’il soit ».