(Washington) La Chine, le changement climatique et les mesures protectionnistes « Buy American » de Joe Biden domineront probablement les discussions lorsque le président américain rencontrera mardi le premier ministre Justin Trudeau.

La conversation virtuelle entre les deux dirigeants, la première réunion bilatérale de Joe Biden en tant que président, offre l’espoir d’un nouveau départ pour les relations entre les deux voisins.

Pour Justin Trudeau, ce sera l’occasion de faire progresser les intérêts canadiens auprès de la Maison-Blanche sans le chaos et l’anxiété des quatre dernières années.

Les attentes au Canada sont élevées, mais il reste à voir si elles seront satisfaites.

« Je ne veux pas que les gens s’assoient sur leurs lauriers et disent : “Eh bien, nous avons eu la première réunion, tant mieux pour nous” », a déclaré Maryscott Greenwood, chef de la direction du Conseil canado-américain des affaires.

Il reste encore beaucoup de travail à faire, notamment concernant la frontière, le protectionnisme américain, la Chine et la question épineuse des oléoducs transfrontaliers.

Pour faire des progrès, selon Mme Greenwood, le bureau du premier ministre ferait peut-être bien de prétendre que Donald Trump est toujours président.

Selon elle, il est important que le Canada ait le même niveau d’agressivité et d’engagement que lors des dernières années et de ne pas « supposer que tout va bien maintenant que Joe Biden est là. »

Joe Biden entend conserver la ligne dure sur le « Buy American », cette série de mesures protectionnistes qui visent à garantir que les entrepreneurs et les fournisseurs nationaux sont les principaux bénéficiaires des dollars américains dépensés dans les projets d’infrastructure.

Il pourrait adopter une ligne similaire avec Justin Trudeau, a suggéré lundi l’attachée de presse de la Maison-Blanche, Jen Psaki.

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Jen Psaki

« Il a signé un décret présidentiel ; nous en évaluons bien sûr les composantes d’approvisionnement, mais aucun changement n’est prévu », a soutenu Jen Psaki.

« Bien sûr, le premier ministre évoquera tout ce qu’il souhaitera, comme c’est le cas pour toute réunion bilatérale. »

L’enjeu chinois au centre

Jen Psaki a offert des banalités familières — une vision partagée sur le changement climatique, les liens économiques transfrontaliers et le « partenariat fort et profond » entre deux « voisins, amis et alliés de l’OTAN ».

Mais elle a évité de dire si Joe Biden s’engagerait davantage pour aider à obtenir la libération des Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor, qui sont détenus en Chine depuis plus de deux ans.

Les deux hommes ont été emprisonnés après que le Canada eut arrêté la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, qui fait face à l’extradition vers les États-Unis, où elle a été accusée d’avoir violé les sanctions contre l’Iran.

La résolution de l’impasse diplomatique à trois qui s’ensuivra sera une priorité absolue pour Justin Trudeau, a déclaré Eric Miller, consultant à Washington et expert des relations entre les deux pays au Rideau Potomac Strategy Group, établi à Washington.

Les Jeux olympiques de 2022, qui se dérouleront à Pékin, pourraient fournir le point d’inflexion parfait, a-t-il souligné — en particulier si les Chinois ont des raisons de craindre des manifestations pendant un moment de fierté nationale.

« Que vont faire les Chinois si l’équipe canadienne entre dans le stade avec des brassards qui indiquent : “Libérez les Michaels ?” », a demandé Eric Miller.

« Je pense que Joe Biden est maintenant à une phase où il a une certaine réceptivité à certaines idées différentes. »

Surplace sur les vaccins et Keystone XL ?

On s’attend également à ce que Justin Trudeau fasse pression sur Joe Biden pour que le Canada ait accès aux doses de vaccins contre la COVID-19 produits en sol américain.

Sur le plan politique, cependant, il sera difficile pour Joe Biden de vendre l’idée de fournir une aide à d’autres pays alors que l’effort de vaccination aux États-Unis a encore un long chemin à parcourir.

« Fondamentalement, Justin Trudeau n’a pas d’autre choix que de faire un effort dans ce domaine », a indiqué Eric Miller.

« Justin Trudeau va faire beaucoup de demandes, et les gens de Joe Biden s’engageront à se pencher là-dessus, et rien ne se passera. »

Le résultat devrait être similaire si Justin Trudeau se plaint de la décision de Joe Biden d’annuler l’expansion de l’oléoduc transfrontalier Keystone XL, ce qu’il a fait d’un coup de stylo lors de son premier jour à la Maison-Blanche.

Le Canada reste un pays fortement dépendant de ses ressources naturelles, a remarqué Bill Reilly, qui a été chef de l’Agence de protection de l’environnement sous l’ancien président George Bush, de 1989 à 1993.

« Il est très probable qu’il soulève des problèmes qui vont à l’encontre de certaines des aspirations environnementales qui animent l’administration Biden », a déclaré Bill Reilly lors d’une table ronde lundi.

« Je ne pense pas que certains de ces problèmes se prêtent à une résolution facile. »