(Ottawa) Un comité de la Chambre des communes qui enquête sur le contrat accordé par le gouvernement fédéral à UNIS a plongé plus profondément dans les affaires internes de l’organisme, jeudi.

Charity Intelligence Canada, un organisme sans but lucratif qui conseille ses clients sur les organisations caritatives à soutenir, a été citée à plusieurs reprises lors des audiences du Comité des finances dans l’affaire UNIS (WE Charity, en anglais). Mais cet organisme n’avait pas encore témoigné dans l’enquête du comité sur le programme canadien de bourses d’études pour bénévolat, qui a été résilié dans la controverse.

Charity Intelligence avait déjà soulevé des drapeaux rouges sur les pratiques d’UNIS, des doutes qui avaient été rejetés par les cofondateurs de l’organisme, les frères Craig et Marc Kielburger, lors de leur témoignage devant le même comité des Communes la semaine dernière.

La controverse autour du programme de bourses d’études a soulevé plusieurs questions sur la structure complexe et les règles comptables d’UNIS, son utilisation de commanditaires et de célébrités, ainsi que sa culture en milieu de travail.

La directrice générale de Charity Intelligence a déclaré jeudi qu’après deux jours d’examen des données financières d’UNIS, elle avait découvert des choses qui l’ont poussée à communiquer avec la direction pour obtenir des précisions.

« J’espère qu’avec un tel investissement (900 millions), le gouvernement se sentait à l’aise de poser des questions, de prendre le téléphone et de demander des éclaircissements sur tout ce qui n’était pas clair », a estimé Kate Bahen devant le Comité permanent des finances.

Dans sa déclaration liminaire, elle a d’abord rappelé aux députés qu’il fallait absolument venir en aide aux organismes de bienfaisance, à court d’argent à cause d’une baisse des dons en raison de la pandémie. Mme Bahen a ensuite précisé que son organisme n’avait aucune affiliation avec un parti politique.

Les députés libéraux ont ensuite remis en question les conclusions de son organisme sur UNIS et se sont demandé pourquoi Charity Intelligence était là, même si elle ne pouvait pas donner un aperçu de la chronologie des évènements entourant le contrat de bourses d’études.

« Je n’ai rien contre vous ou votre organisation (mais) j’ai du mal à comprendre comment un organisme de quatre personnes peut juger 250 organismes à partir d’une vaste gamme de critères », a déclaré le libéral Peter Fragiskatos.

Les députés de l’opposition, quant à eux, ont soutenu que les conclusions de cet organisme, tirées de l’examen des rapports financiers, publics, soulèvent de nouvelles questions sur la façon dont le gouvernement libéral a décidé de confier à UNIS les rênes du programme, sans appel d’offres.

« Absolument aucune diligence raisonnable n’a été identifiée en ce qui concerne la myriade de problèmes, des choses qui auraient dû être un drapeau rouge et des choses qui, pour toute autre organisation caritative au pays, auraient signifié qu’il n’y avait absolument aucune possibilité qu’elle soit choisie », a déclaré le néo-démocrate Peter Julian.

Des documents attendus

Le contrat accordé à UNIS consistait à verser à l’une de ses fondations jusqu’à 43,5 millions pour administrer un programme de bourses, qui visait à encourager les étudiants à s’inscrire à un travail bénévole lié à la pandémie. Ottawa avait réservé 912 millions pour le programme, mais le contrat initial avec UNIS était de 543 millions.

Une controverse a rapidement éclaté, fin juin, lorsqu’on a appris que le contrat, sans appel d’offres, avait été accordé à un organisme de bienfaisance lié au premier ministre Justin Trudeau et à sa famille.

M. Trudeau a été un conférencier invité à six évènements « WE Day » depuis qu’il est devenu premier ministre et sa femme anime une capsule balado pour l’organisme ; ni M. Trudeau ni sa femme n’ont été payés pour leurs services. Par contre, la mère et le frère de M. Trudeau ont reçu au fil des ans près de 300 000 $ pour avoir prononcé des discours à de nombreux évènements de l’organisme ; ils ont aussi reçu 200 000 $ pour couvrir leurs dépenses.

Le ministre des Finances, Bill Morneau, a également été impliqué dans cette affaire : il a reconnu le mois dernier, devant le même comité, qu’il venait tout juste de rembourser à UNIS environ 41 000 $ pour des frais de voyages offerts par l’organisme à sa famille et lui en 2017 afin de constater sur place des projets humanitaires en Équateur et au Kenya.

MM. Trudeau et Morneau se sont tous les deux excusés de ne pas s’être retirés des discussions lors de la décision du cabinet de confier à UNIS la gestion des bourses d’études.

Les partis de l’opposition espèrent maintenant que le dépôt imminent de nouveaux documents concernant l’affaire permettra d’éclairer davantage la façon dont le contrat a été attribué. Le gouvernement a jusqu’à samedi pour déposer au Comité permanent des finances toutes les communications internes, notes de réunions et autres documents liés à ce contrat désormais résilié.

Le comité souhaite aussi entendre éventuellement le directeur des finances d’UNIS, Victor Li, et la ministre de l’Emploi et du Développement de la main-d’œuvre, Carla Qualtrough, responsable du programme de bourses.

Une autre motion adoptée par le comité vise à entendre des témoins qui étaient bien au fait des activités d’UNIS et offre le privilège parlementaire comme protection contre d’éventuelles poursuites judiciaires.