Les libéraux de Justin Trudeau peuvent souffler : grâce au Bloc québécois, ils passeront leur premier test en tant que gouvernement minoritaire. Le chef bloquiste Yves-François Blanchet a confirmé que ses troupes appuieront le discours du Trône qui a été lu jeudi.

Bon pour les agriculteurs, les aînés et l’environnement : estimant qu’il était parvenu à arracher des gains pour les Québécois, il a affirmé en point de presse qu’il donnait son sceau d’approbation à l’allocution prononcée par la gouverneure générale du Canada.

« Moi, je vois dans le libellé de ce discours des avenues qui me permettent de faire des gains, a déclaré Yves-François Blanchet. Nous allons voter pour. Nous allons voter en bloc. »

Le chef de l’opposition officielle, Andrew Scheer, a pour sa part signalé qu’il comptait présenter un amendement en lien le secteur énergétique, qui connaît une crise sévère dans l’Ouest du pays, lorsqu’il prendra la parole aux Communes, vendredi.

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Le chef de l’opposition officielle, Andrew Scheer

Quant au leader néo-démocrate Jagmeet Singh, il aura fallu l’interroger pendant de très longues minutes avant d’obtenir une réponse claire sur les intentions du NPD. Le leader a fini par laisser tomber qu’il ne pouvait appuyer le discours dans son état actuel.

Il reproche au gouvernement d’entretenir le flou sur certains engagements, dont la création d’un régime national d’assurances-médicaments.

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Le chef du NPD Jagmeet Singh

Mais dès lors que le Bloc a dit oui, l’appui du NPD n’est pas requis.  

Car en additionnant les 157 votes libéraux aux 32 votes bloquistes, le gouvernement Trudeau vient de s’assurer qu’il franchira avec succès cette première épreuve de sa nouvelle vie minoritaire à la Chambre des communes.

APPEL À LA COLLABORATION

Le gouvernement a tendu la main aux autres partis dans un discours du Trône truffé d’éléments susceptibles d’obtenir l’adhésion des autres partis, alors que le coup d’envoi de cette 43e législature était officiellement donné jeudi.

Par la bouche de la gouverneure générale du Canada, Julie Payette, qui a fait la lecture de cette allocution, comme le veut la tradition, les libéraux ont lancé – sans surprise – un appel à la collaboration et au respect de la volonté du peuple.

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Le premier ministre Justin Trudeau aux côtés de la gouverneure générale, Julie Payette

« Le mandat de cette récente élection est un point de départ, et non le dernier mot. Le gouvernement est réceptif aux nouvelles idées provenant de tous les parlementaires, les parties intéressées, les fonctionnaires et les Canadiens », a-t-elle déclaré.

Car il y a « de bonnes idées dans tous les partis, et ce gouvernement est prêt à apprendre de vous et à travailler avec vous au cours des prochaines années », a ajouté l’ancienne astronaute devenue représentante de la reine britannique au pays.

Et bien que selon certains, « les gouvernements minoritaires sont incapables d’obtenir des résultats », l’histoire du Canada « brosse tout un autre tableau », a-t-elle ajouté, brandissant comme pièces à conviction les réalisations des gouvernements de Lester B. Pearson.

Le discours du Trône a été prononcé pour la première fois dans le nouvel édifice du Sénat, qui a pignon sur rue Wellington, en présence des neuf juges de la Cour suprême du Canada, de députés, sénateurs et autres dignitaires.

Il s’articule autour de cinq grands axes : la lutte contre les changements climatiques, le renforcement de la classe moyenne, la réconciliation avec les peuples autochtones, la santé et la sécurité, ainsi que la place du Canada dans le monde.

On y égrène, comme c’est généralement le cas, les grandes planches de la plateforme électorale libérale. Et à la veille du triste 30e anniversaire de la tuerie de Polytechnique, mentionnée dans le discours, on reprend la promesse de bannir les armes d’assaut.

Un passage qui devrait plaire au Bloc québécois : alors que le processus de ratification de l’ALENA 2.0 se poursuit, « de nombreux producteurs laitiers recevront leur premier chèque ce mois-ci », a confirmé Julie Payette.

Pour l’Ouest, une partie du pays qui est aux prises avec un sentiment d’aliénation, la promesse du gouvernement de travailler avec « ardeur afin d’acheminer les ressources canadiennes vers de nouveaux marchés » et venir en aide aux travailleurs du secteur.

Et cet appel à l’unité : en puisant dans l’« esprit de collaboration typiquement canadien », et « grâce au dialogue et à la coopération, toutes les régions du pays peuvent surmonter les défis d’aujourd’hui », a lancé la gouverneure générale.

Aucune mention cependant du projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain, dont les travaux ont repris à la fin de l’été, auquel bloquistes et néo-démocrates s’opposent farouchement.

UNE PRÉSIDENCE SURPRISE

Un peu plus tôt, du côté de l’édifice de l’Ouest, l’élection du président de la Chambre des communes a donné lieu à une surprise : celui qui a occupé le grand fauteuil vert pendant la 42e législature, Geoff Regan, s’est vu refuser un second mandat.

Ses pairs ont plutôt confié le poste un autre libéral, Anthony Rota, à l’issue d’un scrutin secret qui s’est tenu en matinée. Dans son discours, l’élu s’est montré émotif de devenir la première personne de descendance italienne à revêtir les habits d’arbitre des travaux.

Plusieurs observateurs s’attendaient à ce que Geoff Regan soit reconduit. À l’issue de ce vote secret, quelques députés des banquettes libérales se sont levés pour aller serrer la main de Geoff Regan, dont le père est décédé ces derniers jours.

Trois autres élus briguaient la présidence, dont le conservateur Joël Godin, qui espérait devenir le premier Québécois à s’y installer en plus de 65 ans, et Carole Hughes, du NPD, qui aspirait à devenir la seconde femme à jouer à l’arbitre depuis Jeanne Sauvé.

Le poste de président des Communes est assorti d’une prime de 85  000 $ qui s’ajoute au salaire de base de 178  900 $ que touchent tous les députés fédéraux. Il vient aussi avec les clés d’une résidence officielle, surnommée « La Ferme ».